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qu’ils recueillirent avec une grande joie.
Pendant les neuf jours que je restai là ,
ce furent des voyages continuels du Kraal
à mon camp. C’étoient des fourmis prévoyantes
qui, allant et revenant sans cesse,
emportaient toujours quelques provisions.
D’ailleurs, sans me donner aucune peine,
je leur fournissois abondamment plusieurs
espèces de gazelles. Chaque jour régulièrement
elles venoient en troupe vers
les quatre heures du soir, boire à la source;
et me mettant en embuscade, j’en abat-
tois autant qu’il me plaisoit. Plus loin, à
trois quarts de lieue, étoit une colline que
j’avois appellée mon garde-manger.Tous les
matins, au lever du soleil, elle étoit tellement
couverte de gélinottes, que d’un seul
coup chargé à mitraille j’en tuois plus qu’il
ne nous en falloit pour notre consommation.
Ainsi, après avoir éprouvé pendant
long-tems les horreurs de la famine, nous
nous trouvions tout-à-coup dans une abondance
excessive; et je pou vois, avec notre
superflu, nourrir sans peine mes voisins.
Je prolongeois quelquefois jusques chez
eux mes promenades et mes chasses, dans
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le dessein de les étudier et de les connoî-
tre. Mais ils n’ont rien absolument qui les
distingue des Grands Namaquois. Armes,
moeurs, usages, habillemens, langage, construction
de huttes, tout chez les urts et chez
les autres est entièrement semblable.
, Outre les gazelles spring-bock et les gélinottes,
je trouvois souvent encore à chasser
des buffles. Pendant les premiers jours
les giraffes continuèrent de se montrer en
petites troupes de sept à huit bêtes. Mais
bientôt ces animaux timides s’effarouchèrent
de nos fusillades continuelles ; ils désertèrent
le canton, et ne reparurent plus;
et çe fut alors que je m’applaudis de n’avoir
pas cédé aux instances de mes gens, quand ,
pressés par la faim, ils nie demandèrent de
leur abandonner la giraffe que j’avois tuée.
Les zèbres abondoient en troupes ; je me
vengeai sur eux et leur fis porter la peine
de la fuite des giraffes. J’eusse voulu faire
éprouver le même traitement à deux rhinocéros,
mâle et femelle, que j’eus occasion
d’apperceVoir un jour; mais ils passèrent
trop lo in , et nous ne pûmes les joindre.
Pour une autre raison, je m’abstins d’at