
3ta ' V O Y A G E
ronné tristement. Un vent d’est vint déchirer
en lambeaux et emporter devant nous
le reste des nuages 5 le ciel reprit sa pureté
et le soleil, qui la veille achevoit de
desseçher nos corps, sembla ne s’élever ,
ce jour-là, que pour réparer les dégâts de
l ’orage. A u réveil, chacun se trouvoit un
autre homme ", nous étions ressucités : aussi
l ’un des premiers effets, que nous fit éprouver
ce changement inespéré, fut une faim
dévorante. En de pareilles dispositions,
qu’elle ressource nous offroient ces damans
si rebutés la v e ille , et qu’elle* avidité avoit
tout d’un coup succédé au dégoût universel
qu’ils nou$ avoient d’abord inspiré.
Tandis que nous étions occupés à les dépecer
pour les faire cuire, je m’npperçus ,
a v e c surprise, qu’il me manqnoit un de mes
gens. ' ' •
Comme il étoit possible qu’il se fût écarté
dans le voisinage, j ’envoyai à sa recherche
un de ses camarades j mais celui-
c i, après l’avoir appellé et cherché en
vain, étant revenu sans le trouver, je fus
inquiet, et avec d’àutant plus de raison que
personne de nous ne pouYoit dire s’il avoit
E n A f r I Q U E . 2.3
disparu avant ou après l’orage. Bientôt les
inquiétudes se changèrent en alarmes j et
chacun alors chercha une raison la disparution
de l ’absent : mais les causes qu’ils
en donnoient étoient toutes également fâcheuses.
Selon les uns, il avoit été assassiné,
par les Boschjesrnan:; selon d’autres, il avoit
péri sous la dent d’une bête féroce, en allant
probablement à la découverte de l ’eau.
Ces deux tristes conjectures me parois-
soient également invraisemblables. En vain
nous avions erré pendant un jour dans ces *
montagnes 5 nulle part, aucun de nous n’a-
voit vu pi Boschjesrnan , ni même vestiges
de Boschjesrnan. D ’ailleurs, quand même
il auroit existé dans quelques gorges une
horde de ces voleurs, quelle apparence
qu’ils eussent pu attaquer un homme,.sans
que nous ne nous en fussions apperçus, sans
que Jantje ( c’étoit sonnom ) se fut défendu
et eut appellé à son secours. Ce que je dis
ici des Boschjesrnan, je pouvois le dire
d’une bête féroce. Jamais les animaux carnassiers
n’habitent que les cantons abondans
en gibier, et où par conséquent , ils trouvent
une nourriture facile. O r , dans celui-
B ^