
nous courions à cheval, suivis des mes Hot-
tentots qui, bien qu’à p ied, n’alloient guère
moins vîte que nous. Enfin, nous parvînmes
à entourrer la bête. On lui jetta un
noeud coulant qui l’arrêta; puis l ’ayant attachée
à la queue de mon cheval, je m’en
fis suivre.
D ’abord elle, suivit assez tranquillement.
Mais soit que la vue des chiens l’inquiétât,
soit que la douleur de ses blessures devînt
trop forte, après une centaine de pas. elle
commença à donner des saccades au cheval
qui, ripostant par des ruades, la faisoît cabrer.
Ce manège impatientant m’arrêtoit
dans.ma marche. Pour le terminer, je formai
le dessein de monter l’animal lui-même.
Eh vain mon compagnon et mes Hottentots
voulurent-ils m’en détourner, en me présageant
quelque-malheur; le plus grand malheur
qui pût m’arriver étoit d’être jette à
terre : or, je n’étois pas homme à être, arrêté
par la crainte d’une chûte; et je dési-
rôis savoir s’il étoit possible de subjuguer
cet animal sauvage que les savans nous représentent
comme indomptable, et cela par
un simple préjugé ; car il s’en faut de beaue
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coup qu il le soit reellement, comme on
va le voir ; et les Sauvages , dont le témoignage
sur ce point doit avoir plus d’autorité
que celui des savans naturalistes, le
croient très-propre à servir de monture.. ,
Pour me garantir des morsures de la bête,
on la musela ; on la détacha de mon chev
a l, et je sautai sur son dos. Sa résistance
fut médiocre, et moindre que celle d’un
cheval qui n’auroit point encore été pressé
Bientôt même elle marcha aussi tranquillement
que mon cheval ; et je la conduisis
ainsi, pendant plus d’une lieue, jusqu’à
l ’habitation du colon chez lequel j ’a-
,vois acheté mes premiers boeufs*. Cette
épreuve heureuse me satisfit tellement que
je formai le projet de la garder et de m’en
faire une monture. Mais pour cela il eût
fallu auparavant la panser et la guérir, et
ses blessures étoient trop considérables pour
que moi ou mes gens nous osassions l ’entre-
prqncfre. Je renonçai donc à mon dessein.
Je crus qu abandonnée à elle-même et à son
instinct, elle se rétabliroit bien plutôt et
bien plus sûrement; et dans cet espoir, je