
toujours le même, toujours occupé de
moi, et sans cesse aux aguets pour m’annoncer
une nouvelle favorable , s’approcha
tout - à - coup, et me dit, d’un ton)
qui annonçoit les palpitations de l ’espérance
, qu’il apperçevoit des éclairs à l ’ho-
rison, vers la partie de l’ouest ; que les
niiàges paroissoient s’amonceler sur nos
têtes ét qu’infailliblement nous aurions un
orage; Quoique nous eussions été trompés,
dans la plaine, par une fausse jo ie , plus
cruelle que la certitude meme de-notre malheur,
je donnai, maigre moi, créance au
rapport de mou JClaas, e t , entr ouvrant le
manteau qui m’enveloppoit, pour considérer
les effets de ce nouvel orage, je pressentis,
à mon to u r , qu’il viendrait crever
«ur la montagne, et que nous ne manquerions
pas d’en ressentir les b o n s effets.
Bientôt j ’entendis le bruit de quelques
.grosses gouttes d’eau, heureux précurseurs
d’une pluie abondante. Tout mes sens, en
un moment , dilatés d’aise et de joie , se
r’ouvfirent à la vie. Je sortis hors de ma
couverture , et couché sur le dos, la bouche
ouverte, je recuillis a v e c volupté Tes
gouttes que le hazard y faisoit tomber.
Chacune d’elle paroissoit nn baume rafraîchissant
sur ma langue et sur mon palais
desséchés. Je le répète, la*plus pure volupté
de ma vie entière est celle que je
goûtai en cet instant délicieux, acheté par
tant de soupirs et de si longues angoisses.
L ’averse ne tarda point à fondre de toutes
parts j elle tomba trois heures par torrens
le disputant de fracas avec le tonnerre qui
ne cessoit de gronder sur nos têtes. Tout
mon monde, courait ça et là par l ’orage,
se cherchant l ’un . l ’autre et se félicitant,
ayëc un air de triomphe, de se voir ainsi
baigne -, ils se sentoient revivre ; on eût dit
qu’ils cherchoient à se gonfler, comme pour
offrir plus de surface à la pluie et s’en imbiber
davantage. Pour moi, je-goûtois un
si doux plaisir à me tremper comme eux ,
que, pour conserver plus immédiatement
cette fraîcheur bienfaisante, je ne voulus '
point ôter mes habits. Cependant le froid
q u i, a la longue, commençoit à me saisir
me contraignit de me dépouiller tout-
à-fait et de me replacer sous mon manteau.
Tant de bonheur ne pouvoit être cûu-
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