
nelle ardente et mobile ! comme il devançoifc
mes pas, plein d’aise et d’impatience, et re~
yenoit encore par ses caresses me prouver
sa reconnoissance, et m’inviter a ne pas différer
plus long-temps ! Nous partions; chemin
faisant, il s’amusoit à grimper sur les
arbres, pour chercher de la gomme, qu’il
aimoit beaucoup ; quelquefois il me décou-
vroit du miel dans des enfoncemens de rocher
ou dans des arbres creux; mais,lorsqu’il
ne trouvoit rien, que la fatigue et
l ’exercice avoient aiguisé ses dents, et que
1 appétit commençoit à le presser sérieusement,
alors pour moi commençoit une scène
extrêmement comique. Au défaut de gomme
et de miel, il cherchoit des racines, et les
mangeoit avec délices sur-tout une espèce
particulière, que les Hottentots nomment
kameroo , et que malheureusement pour lui
j ’avois trouvée exquise et très-rafraîchissante,
et que je voulois obstinément partager.
Keès étoit rusé. Lorsqu’il avoit trouvé de
cette raciné, si je n’étois à portée d’en prendre
ma part, il se hâtoit de la gruger, les yeux
impitoyablement fixés vers moi. Il mesuroit
le temps qu’il avoit de la manger à lui seul,
sur la distance que j ’^vois à franchir pour
le rejoindre, et j’arrivois en effet trop tard.
Quelquefois cependant, lorsque trompé dans
son calcul, je l ’avois atteint plutôt qu’il ne
s’y étoit attendu, il cherchoit vite à me cacher
les morceaux ; mais, au moyen d’un soufflet
bien appliqué, je l ’obligeois à restituer le
vol; et, maître à mon tour de la proie enviée
, il falloit bien qu’il reçût la loi du plus
fort; keès n’avoit ni fiel ni rancune, et je lui
faisois aisément comprendre tout ce qu’a
d’insensible et dur ce lâche égoïsme dont il
me donnoit l’exemple.
Pour arracher ces racines, il s’y prenoit
d’une façon fort ingénieuse, et qui m’amu—
soit beaucoup. I l saisissoit la touffe des
feuilles entre ses dents; puis, se roidissant
sur les mains , et portant la tête en arrière,
la racine suivoit assez ordinairement. Quand
ce moyen, où il employoit une grande force,
ne pouvoit réussir, il reprenoit la touffe
comme auparavant, et le plus près de terre
qu’il le pouvoit; alors, faisant une cabriole
eu par-dessus tête, la racine cédoit toujours
à la secousse qu’il lui avoit donnée. Dans
nos marches, lorsqu’il se trouvoit fatigué,
il montoit sur un de mes chiens, qui avoit
la complaisance de le porter des heures en