mi en arriver, et rétablir à jamais le Calme
dans ces contrées malheureuses. Je ne fus
secondé par personne ; le ciel même eût été
impuissant contre la terreur de ceux qui
marchoient a ma suite ; mais je couvrirai
d opprobre, avec bien plus de justice , les
lâches colons quej’allai chercher deux jours
après, pour l ’indigne manière dont le chef
osa colorer son refus de m’aider dans une
expédition qui certes auroit réussi et faisoit
le plus grand honneur à l ’humanité.
Un nouveau malheur arrivé depuis peu
dans ces lieux funestes, m’enhardissoit encore,
et venoit échauffer mon imagination.
On me dit qu’il n’y avoit pas six semaines
qu’un navire anglais avait fait naufrage à
la côte; que, parvenue à te rre , une partie
de l ’équipage étoit tombée entre les mains
des Caffres, q u il’avoient exterminée,à l ’exception
de quelques femmes qu’ils s’étoient
cruellement réservées ; que tous ceux qui
avoient échappé vivoient errans sur le rivage,
dans les forêts, où ils achevoient de
périr misérablement.- On comptoit, parmi
ces infortunés, plusieurs officiers français,
prisonniers de guerre, qu’on renvoyoit en
Europe. .
E N A F R I Q U E . a93
Combien je me sentis tourmenté par ces
détails affligeans ! D’après tous les renseigne-
jnens que purent me donner ces nouveaux
venus, je jugeai, en m’orientant, que de
l’endroit ou j’étois, je ne devois pas avoir
plus de cinquante lieues jusqu’au vaisseau»
Je roulois mille projets dans ma tête ; j’in -
ventois mille moyens de secourir des infortunés
, dont la situation étoit si déplorable.
Tout mon monde se révolta contre ma proposition.
Ni prières, ni menaces, ne firent
effet sur leurs esprits. Le récit de eette aventure
leur ' avoit fait des impressions bien
différentes ; une rumeur soudaine se répandit
dans tout mon camp. S i, secondé par
deux ou trois de mes braves, je n’en avois
imposé, par mes gestes et ma contenance
déterminée , à ces misérables, j’eusse infailliblement
péri la victime de leur sédition.
Je fis trembler l’un d’eux, en lui appuyant
le pistolet sur le front. Mais je ne pus rien
gagner. La horde qui marchoit k ma suite
me dit, sans préambule, qu’elle étoit l i b r e ,
et ne voyait point en moi son chef; qu’à
l’instant elle allait rétrograder avec les
quinze Hottentots récemment arrivés ; et
jusqu’à mes propres gens., qui me signifié