
grands arbres forttioit au sud un magnifique
rideau , qui s’étendoit en retour jusqu’à
l’ouest. J’avois au nord, devant moi, la rivière
qui paroissoit fort poissonneuse ; une
grande variété de menu gibier-se promenoit
sur les bords. Tant d’avantages m’auroient
fait prèsqu’ oublier Pampoen-ICr aal. Cependant
je ne fus pas tenté de m’arrêter. Une
inquiétude secrète m’agitoit; je voyois à
l ’autre bord de la rivière une montagne difficile
qu’il nous falloit nécessairement franchir.
Elle étoit escarpée de façon à me faire!
craindre qu’il ne m’arrivat quelqu accident;!
un pressentiment intérieur sembloit me l’an-j
noncer. Je faillis en effet à perdre, dans un
moment , tout le fruit de mes peines et de
mes incroyables*fatigues. J avois èu la sage!
précaution de ne conduire mes cbariotsj
que l’un après l ’autre; et, quand j’aurois
voulu les faire monter ensemble, je n’auroisj
point eu de boeufs assez pour cette opérai
tion. J’en fis atteler vingt au chariot-maître,
celui qui portoit, comme on l’a vu plus!
haut, toute mon artillerie, et mes seules nj
chesses. Mes boeufs le traînent; ils montent,
grimpent avec effort; ils touchoiènt presH
qu’au sommet.... ; la chaîne qui retenoitles
dix-huit premiers se rompt d’un seul coup,
et la voiture roule avec précipitation jusqu’au
pied de la montagne, entraînant avec
elle les deux boeufs attachés au timon. De la
hauteur où nous étions, mes conducteurs çt
moi nous la suivions des yeux anéantis
de peur, et dans les plus horribles palpitations
; vingt fois , nous la vîmes prête culbuter
dans le précipice qui bordoit le chemin.
Ce malheur seroit infailliblement ar-
| rive?, sans la force plus que naturelle des,
énormes boeufs du timon, que rien ne put
abattre. Cette infortilne eût fini tout d’un
[coup mon voyage. La voiture et mes effets
les plus précieux eussent été mis en pièces;,
ma poudre, mon plomb, mes armes dispersés
; j’étôis perdu sans ressource. Elle s’ar-
[rêta contre un rocher sur les bords du torrent.
Nous descendîmes avec des cris de joie..
Après avoir ramassé nos, effets, et rétabli
chaque chose à sa place, nous attelâmes de.
nouveau cette fatale voiture., qui regagna >
sans péril, dans une heure, ce qu’elle avoit
| perdu en dix minutes. Les autres, un peu
I moins pesantes, arrivèrent à. bon port. J’en
! avois fait doubler les traits; quatre hommes,
escortoient les roues, tous prêts à enrayer