proposé de suivre la piste de celui qui
m’avoit laissé la v ie , et que nous avions si
cruellement maltraité ; mais il en étoit venu
tant d’autres pendant la n u it, que les traces
se trouvèrent confondues. Nous étions d’ailleurs
si fatigués, je craignois tant de rebuter!
ces pauvres gens ! Je les ramenai au plus]
vite. •
Que la vue est un sens- subtil dans le Hot-I
tentot ! qu’il le seconde par une attention
difficile et bien merveilleuse ! Sur un terrein
sec, o ù , malgré sa pesanteur, l ’élépbant ne
laisse aucune trace., au milieu des feuilles]
mortes, éparses et roulées par le vent, l’Africain
reconnoît le pas de l ’animal ;. il voit le
' chemin qu’il a pris,, et celui qu’il faut suivre
pour l’atteindre; une feuille verte retour- j
née ou détachée, un bourgeon,la façon dont
une petite branche est rompue, tout cela et
mille autres circonstances , sont pour lui des
indices qui ne le trompent jamais ; le chasseur
européen le plus expert y perdroit!
toutes ses ressources ; moi-même je n’y pou-
vois rien comprendre; ce n’est qu’à force’
de temps et d’habitude que je me suis, fait à
cette partie divinatoire de la plus belle des
chasses; il est v ra i qu’elle avoit pour moi
tant d’attraits, qu’aucun des plus petits éclair-
cissernens n’étoit dédaigné ; je m’instrui-
sois, chaque jo u r , de plus en plus ; et, lorsque
je rodois dans les bois avec mon monde,
nous passions les journées en questions, et
l’épreuve suivoit quelquefois le précepte.
De retour au camp, mon vieux Swane-
poël me dit que, pendant mon absence, il
avoit été toutes les nuits inquiété par des
troupes d’éléphans qui s’étoient si fort approchés,
qu’on les entendoit casser les branches
e t brouter les feuilles ; je fis un tour
dans la forêt, et je vis effectivement quantité
de jeunes arbres cassés, des branches dégarnies,
et de jeunes pousses dévorées.
C’en étoit assez pour me remettre en campagne.
Mes gens avoient eu tout le temps de
reposer; j’aimois mieux aller surprendre de
jour ces animaux, que de les attendre chez
moi pendant la nuit ; dès le matin, je me mis
sur la piste ; je ne fus pas obligé de courir
bien loin; car, du haut d’une colline, à la
lisière du bois, j’en apperçus quatre dans de
fortes broussailles ; je fis en sorte de n’en
point être éventé; et, m’approchant avec
précaution, je me donnai le plaisir de les
considérer à mon aise, pendant plus d’une