
168 I N J
propriété que les plantes ont d’afpirer l’eau par
leurs racines, ou par leurs tiges, afin de leur faire
tirer des liqueurs colorées qui puffent laifter des
traces de leur paffage : il plongea pour cela de
jeunes plantes dans ces teintures ; il y fit tremper
des branches par leur extrémité inférieure -, il
y fit germer des graines. M. de la Baifle , dans
une Differtatton Jur la Greffe, M. Bonnet, dans
fes Reckcrclies Jur Vufage des feuilles, nous apprennent
les réfultats des expériences ingénieufes,
qu’ils ont tentées en fuivant cette route. Mais
comme ce genre d’expériences efl bien éloigné
d’avoir acquis la perfeélion q u il fait efpérer,
& comme il n’a pas fourni les connoiffances qu’il
promettoit, je réunirai ici les lumières qu’il a
répandues, .pour engager les Phyficiens à les augmenter.
M. Duhamel apprend , dans la Phyjique des
Arbres, qu’il plongea des”branches d’arbres dans
l’encre, & après un féjour de quelque teins
dans cé fluide , il coupa cette partie de la
branche qui y plongeoit, & il ne découvrit
alors aucun filet noir dans l’écorce, quoique
l’encre eût pénétré le bois où elle s’étoit élevée
jufqu’à la hauteur d’un pied ; mais il obferva
quelle s’étoit fur-tout raflemblée vers les noeuds
où les vaifleaux doivent fe preffer & fe réunir.
Il découvrit encore quelques traces d’encre dans
la moelle voifine du bois; mais l’encre n’avoir
pas pénétré les boutons prêts à fe développer.
M..Duhamel tenta vainement d’augmenter la
preffion fur l’encie, afin de la forcer de s’élancer
dans la plante , cela ne réuflït pas mieux.
M. de la Baifle fe fervit du fue de Phytolacca,
comme Magnol avok fait en 1709 : il vit que
les petites racines des plantes employées à ces
expériences en étoient très-- colorées, que les
grofles étoient moins marquées par la couleur de
cette infufion ; mais que-les unes & les autres
étoient fur-tout colorées vers le centre. Il
obferva que l’écorce des branches qui trein-
poient dans cette teinture, n’avoit été colorée
que dans les parties plongées;dans, le liquide, &
privées de leur épiderme ; il confirma de cette
manière les expériences; de M. Duhamel, qui
inontroit que la fève ne paffoit que dans le
corps ligneux , & il vit cette eau teinte par
le phytolacca, s’élancer jufqu’à l’extrémité des
grandes branches de tilleul. Dans les plantes
herbacées, foumifes à ces expériences, la teinture
rampoit dans les fibres ligneufes, entre
l ’écorce & la moelle, fans entamer ni l’une
ni l’autre : la-couleur fe manifefloit de même,
non-feulement dans les: tiges de la mbéreufe,
& du mufle de veau , mais encore dans leurs
feuilles : les ramifications mêmes des feuilles de
ce mufle de veau y laifloient reeonnoître cette
teinture. M. de la Baifle. a obfervé des phénomènes
femblables fur les feuilles du figuier
& de la vigne; enfin il a v u , çompie Magnol,
1 N J
des veines rouges fur les pétales des fleurs do
la tubéreufe , & il a iuivi. leurs filets dans
plufieurs.
M. Bonnet a employé l’encre 8c la teinture
de garance, dans fes recherches. Il fit germer
des fèves fur des éponges pleines d’encre : la
coupe de la radicule de ces graines en fut
noircie. Il remarqua clcs traces noires dans le
bois des branches qui.plongèrent dans 1 encre :
il y en trouva, quoique les branches y fuflent
plongées par leur petit bout. Il vit encore que
la couleur ne s’étoit élevée que dans les filets
ligneux des plantes étiolées, traitées de cette
manière ; on les diftinguoit fcnfiblement ; mais
il n’apperçut point de traits noirs dans les
feuilles; il les obferva feulement dans leur
pétiole, & il en compta Huit, qui étoient fans
doute la feétion des huit faifeeaux de fibres
qui unifient la feuille au rameau. Enfin il
s’aflura que la liqueur colorée ne s’élevoit pas
dans le bois mort.
M. Bonnet varia ces expériences^ en eflayant
l’ufage. des liqueurs fpiritueufes, l’odeur pafla
non-feulement dans les: feuilles, mais encore
dans les fruits.
M. Hill a employé ce fecours pour pénétrer
i’organifâtion de l’écorce & du bois. Il y a
employé l’efprit-de-vin coloré- avec la coche-*
nille. Il a cru même pouvoir fe fervir des
diffolutions métalliques, comme je l’ai dit. Voyt\
É corce. ,
C ’efl par le moyen de l’infufion du bois de
Fernambou, que M. Hedwig a fait tant de belles
découvertes, qu’il a pénétré l’organifation des
cotylédons, qti’il s’efl fait de nouvelles idées
fur la nature des trachées, qu’il a perfectionné
celles, qu’on avok fur les organes fexnels de
diverfes plantes. Voye\ Cotylédon, F ib r e s ,
Trachées.
J ’avois fait quelques- tentatives pour aller plus
loin. J ’ai pris des- petits pots- de faïance que
j’ai remplis de terre fèchc, & que j’ai arrofés
avec une infufion de bois de Fernambou ; j’ai
feiné des haricots dans ces pots ; je les-ai conf-
tamment arrofés avec cette eau colorée : les
haricots ont parfaitement' bien végété, ils y ont
fleuri , ifs y ont produit leurs graines ; mais
quand j’ai voulu chercher des. traces de couleur
depuis l’extrémité des racines, jufqu’à la cime
des plantes, je n’ai rien apperçu même avec
des verres affez forts, qui pût dénoter le paffage
d’un feul a-tôme des parties colorantes- contenues
dans'l’infufion. Je n’ai pas mieux réuffî
en faifant végéter des hyacinthes dans cette
teinture.
IRRITABILITÉ. Aufli-tôt qu’on a cru qu’il
y avoir une-très-grande analogie entre les animaux
& les plantes, on a imaginé que les plantes
dévoient avoir toutes les propriétés des ani-*-
naaux,.& on s ’eft emprefféde les leur attribuer;
Biais
I R R
«Sais ott a été un peu plus embarraffé pour
l’Irritabilité que pour les autres ; néanmoins on
n’a pas cru qu’il fût impoflible d’en trouver
les effets dans le règne végétal.
-L ’ Irritabilité efl cette propriété du corps irritable,
qui le force à fe contracter, lôrlqu’on
l’irrite par quelque moyen propre à produire
cet effet, comme les piquures, les brûlures,
rhumeélation de quelqués fluides qui remplace
l ’action du feu ou des corps (piquans. Quand
le corps, irritable a été ccntraélé , il reprend
fan premier état ; mais on rappelle fes mouve-
mens.de contraction , par les mêmes moyens
qui les ont fait naître. Cette Irritabilité ne fe
montre pourtant jamais fans l'aétion d’un Annulant
qui peut être d’une nature très-différente :
aufli tandis que tous les mufcles peuvent être
irrités par les mêmes flimulans; il y a cependant
des mufcles qui font irrités encore par dés fluides
qui ne fauroient irriter les autres, 8t dont on
ne fauroit imaginer la caufe irritante ; telle efl
en particulier la liqueur féminale.
En cherchant l’Irritabilité dans les végétaux,
on efl d’abord furpris de ne trouver rien qui
puiflè y repréfenter lest mufcles ; on n’a pas
même l’embarras du choix. On ne voit dans
les plantes que des fibres ou un corps fpon-
gieux , & l’expérience apprend que ces fibres
& ce corps fpongieux ne peuvent être irrités
par aucun des moyens qui occafionnent les
marques les plus fortes d’irritabilité dans le règne
animal. Cela ne prouveroit pourtant rien, parce
que cette Irritabilité pourroit être produite
par des caufes différentes,'ou par des fluides
incapables d’irriter les mufcles.
Les obfervations qu’on a faites jufquà pré-
fent fur ce fujet font en très-grand nombre ;
mais elles permettent feulement d’attribuer cette ■
Irritabilité à quelques parties des fleurs & peut-
être encore à quelques feuilles.
M. Gmélin a montré que les étamines des
orchis, lorfqu’elles font fraîches, fe contractent
& fe relâchent, fi on les irrite : il a remarqué
fur-tout ce- phénomène dans les étamines du
chardon, de la jacée, de la centauréè: l’étamine
qui efl couchée avec la pointe d’une aiguille , fe
contraéle en-deffous ; les filets qui font prefque
droits, fe courbent ; le flile emprifonné-s’élance
en dehors par la contraction de l’anthère ;
les filets laiffés à eux-mêmes s’étendent de
nouveau en ligne droite, & fe contractent pour
fe relâcher encore; enfuite ils éprouvent quelques
ofcillations.
M. Gmélin a fait les mêmes obfervations
fur d’autres plantes; & il remarque en général
11e l’Irritabilité fe manifefle fur-tout dans les
eurs prêtés à s’épanouir, ou qui font fraîchement
épanouies ,:fe & qu’elle diminue à mefure
que la fraîcheur de la fleur fe pafle. Cet Observateur
croit que l’Irritabilité des parties,
P h y jîo lo g ie végétale. T o iy e L er l . ere P a r t ie ,
1 R R 1 s s
fexuelles des fleurs efl produite par un flimu-
lant, que la contraction précède le relâchement,
que cette contraction efl proportionnelle à la
force irritante, que la chaleur de l’air favorife
1’aCtion du ftimulant, & que les parties mutilées
donnent des Lignes d’irritabilité.
M. Smitth a fait voir, dans le vol. LXXVIII
des Tranjaclions philofophiques , que l ’Irritabilité
des étamines des berberis, avoir fon fiège dans
le filament, & fur-tout dans cette partie du
filament à laquelle le germe éfl attaché; cette
partie au moins fe contracte quand on la touche,
,& elle fe plie fur le germe. II a montré
de même, qu’on appercevoit cette Irritabilité
dans les étamines de tout âge, & qu’il n’étoic
pas néceffaire d’attendre le moment ou les
pouflières .étoient prêtes à s’échapper : les fila-
mens fe contractent alors d’une quantité aufli
grande, avec autant de vîteffe, & la mêm®
fréquence . M. Covolo a remarqué que chaque
étamine, en particulier, peut être irritée quand
on la touche; quoique toutes les étamines lcient
irritées en commun, lorfqu’on imprime un léger
mouvement à la fleur entière. M. Covolo a
vérifié tous ces autres faits en Italie. Il a vu
outre cela, chaque étamine féparée delà plante
capable d’Jrritarion , comme lorfqu’elle efl attachée
à la fleur. M. Koëlreuter a obfervé que les
piflils fe contrarient lorfqu’ils font irritées. Au
refle, M. Smitth penfe qu’on peut facilement
confondre ces mouvemens, qui font l’effet de
l’Irritabilité avec d’autres mouvemens qui font
des effets purement mécaniques. Tels, font ceux
de la pariétaire, où les étamines font tellement
courbées par les feuilles du calice, que lorfque
celles-ci font épanouies, les étamines s’échappent
avec une grande force.; il a obfervé le même
phénomène dans la medicago falcata.
Les fruits de la balfamine lancent au loin
leurs graines. Les globules des pouflières s’ouvrent
avec effort.
Le mouvement des plantes expofées à la lumière,
leur fommeil quand elles font à l ’obfcu-
rité, ' indiqueroit peut-être que la lumière agit
fur le pétiole & les nervures des feuilles
comme urrirritant.
M. Roth a fait des expériences fur les feuilles
de la drofera rotundifolia & longifolia, pour
s’affurer fi elles étoient irritables : dans ce but,
il les irritoit avec la pointe d’une aiguille; alors
il vit tous les poils de ces feuilles fe courber
la pofition de la feuille fe changer ; & au bout
d’une demi-heure, il obferva des poils courbés
fur la feuille, & la feuille elle-même qui
avoit c<yfervé un peu fon changement de fitua-
tion; mais, au bout d’un certain tems, les poils
& la feuille reprirent leur premier état. Cet
OHfervateur produifit le même phénomène fur
cette feuille avec une foie de cochon. II remar-
Y