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mers les répandent par-tout. On p eut, fans ces
moyens naturels, les tranfporter facilement, quoiqu’il
fût très-difficile & peut-être impoflible de
faire voyager ainii les plantes. C’efl par ce moyen
que tant de plantes exotiques font naturalifées
dans nos climats. Mais les graines ont encore
d’autres ufages que celui de reproduire les plantes
qui leur ont donné le jour ; elles fourniffent
dans tous les climats des alimens indifpenfables,
& des remèdes excellents; tandis que d’autres
nous éclairent par leur huile pendant la nuit,
ou qu elles nous préfentent des reffources pour
enrichir nos teintures de belles couleurs.
Dirai-je enfin que les Graines offrent un ca-
raélère Botanique , employé utilement par divers
Botaniftes nomenclateurs, St fur-tout par M. Goër-
lîner dans fa Carpologie.
GREFFE. ENTE. Ces deux mots font fyno-
aymes.
L'opération de la Greffe conftfle A fubffituer ou
une petite branche , ou un bourgeon , ou un
rouleau d’écorce boutonné appartenant à un
arbre qu’on veut multiplier , à la tige ou aux
-Branches de celui qu’ont veut greffer.
L ’union devient enfuite fi intime qu’il en ré-
fulte une feule plante végétante, complette;
quoiqu’elle foit compofée des parties de deux
plantes différentes, & pour l’ordinaire de deux
plantes différentes dans leur efpèce.
On donne le nom de Greffe à la portion de
la plante qu’on unit avec la plante entière &
le nom de Sujet à la plante fur laquelle fe fait
Funion.
Ce phénomène elî vraiment furprenant ,
comme l’obferve M . Cabanis dans la differtation
fur lu Greffe couronnée à Bordeaux. Un petit
bout de branche , un échantillon,, ou un petit
rouleau d’écorce fourni d’un bouton de la grofieur
d’un grain de froment, peut fe convertir en un gros
arbre , & même en un arbre qui ne participera
en-rien des qualités du fujet, ni dans fon écorce,
ni dans fon bois, ni dans fes feuilles, c i dans
fon fruit ; .de forte qu’un arbre fans ceffer
d’être prunier ou amandier dans fes racines &
’ dans fa bafe , devient par cette opération ou
un pêcher, ou un abricotier dans toutes les
branches.
L ’opération de la Greffe eft fort ancienne :
Virgile l’avoit déjà décrite dans fes beaux vers :
& il paraît qu’ell&étoit alors mife en ufage depuis
long - teins par les Agriculteurs. On peut
croire que l’obfervation de la nature aura en-
feigné l'art de greffer. On rencontre au moins
quelquefois dans les forêts des branches d’arbres
différens foudées entr’dlet. On n’aura eu
qu’à féparer une de ces branches de. la tige à laquelle
elle appartenoit, pour s'affiner que cette
branche féparée pouvoir vivre parfaitement bien
aux dépens. de la fige qui ne lui avoit pas
donné le jour. On voit beaucoup de feuilles
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qui fe greffent de cette manière les tinéf avec
les autres. M. Adanfon parle d’une feuille de concombre
qui s’étoit greffee par fon pétiole fur un
concombre. Il a vu de même un jeune concombre
ie greffe par fon péduncule fur un autre concombre
allez gros. Le concombre , le melon
la pomme & beaucoup d’autres fruits furrnon-
tés par leurs fleurs , fe greffent hors de leurs
calices pendant qu ils font encore tendres & her-
baeés. fl arrive auffi que les fruits qui ont le
calice fous la fleur comblé le cerifier, le prunier
, l’abricotier & quelques autres fe greffent
dans le bouton même de’ ’ la fleur avant d’être
noués, & s'unifient ainfî^par le moyen de leur
parenchyme, de manière que deux cerifes, deux
abricots ne paroiffent former qu’un feul fruit.
La Greffe n efl donc que la réunion de deux
plantes, ou de deux parties de plantes, dont l’une
peut être entière & dont l’autre a au moins un
.bouton. Quoique l’Art ait extrêmement varié
cette opération enfeignée par la nature , cependant
elle n’offre ^ jamais, dans ces variétés, que
cette réunion intime qui forme une plante entière
par le moyen d’une plante enracinée, &
d une autre plante qu’on lui applique.
Je ne me propofe point de décrire ici les
différentes manières de greffer : elles font détaillées
dans le Dictionnaire du jardinage & dans
la Pàyjîque des arbres de M. Hamel. On en compte
communément cinq. La Greffe en fente, la Greffe
par approche, la Greffe en couronne, la Greffe en
vecuffon la Greffe en flûte, auxquelles on ajoute
Y r% e % emP°rte-P ^ e , la Greffe fur racines,
% la~ ^ rfJJe £ bourgeons rapportés. Toutes ces
Greffes fe reffemblent par Ja manière dont elles
le font ; & elles produifent le même effet par
des moyens qui font plus différens en apparence
qu en réalité. C’efl-à-dire, qu’elles fe bornent
toutes à fouder une partie d’une plante à une
autre plante, fi bien que la partie, foudée faffe
corps avec la plante à laquelle on a voulu la
louder ; que cette partie foudée conferve fa
vie, la faculté végétante, & qu’elle fuive fa carrière,
comme fi elle éroit reliée fur la plante
a laquelle elle appartenoit.
On diftingue les Greffes faites à la pouffe,
c efl-à-dire, au Printemps à la première sève,
I g i ui ÿ?lvcnf pouffer à la fécondé sève, des
Greffes faites à a i l dormaht, c’efl-à-dire, vers
le milieu ou à la fin de l’Eté , & qui ne doivent
poulter qu au Pnntems fuivanr. Les Greffes en
fcn;e , en couronne , à emporte-pièces, fur racines
, à bourgeons rapportés ou à inoculation
ne peuvent le pratiquer qu’à la pouffe. Les
Greffes en écuffon , en approche, en flûte
lur racines, fe pratiquent à la pouffe & à oeil
dormant.
Je dois obferver qu’on réuflit parfaitement à
enter fur racines; qu’on Ente très-bien les boutons
qui font un peu gros, comme ceux de
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là vigne, dés maronniers ou des poiriers à la
première sève, en délogeant un des ces boutons
d’une de fes écailles, & en fubftituant un autre
bouton qu’on fixe avec de la térébenthine ou de
la cire. , v ' '
J ’avertirai encore que, pourréuffir dans les
Greffes, il faut choiiir des fujets vigoureux &
éviter les noeuds. Quant aux Greffes elles doivent
être prifes fur des arbres fains robufies &
abondans en fruits.
Je voudrois mettre cette opération fous les
feus ; pour réufiir , j’ai penfé qu’il conviendroit
cîe me propofer la folution ou problème que
préfente ce phénomène, comme fi l’expérience
ne l’apprenoit pas tous les jours.
Je fbis d’abord que les parties greffées font
devenues parries intégrantes du fujet qui les porte.
Comment eft-on parvenu à produire cet effet ?
Quand on fuit les arbres,, on obferve bien-tôt
que de leurs plaies fe confondent parfaitement.
Cette .connoiffance pouvoit conduire à celles que
M. Duhamel nous a données , lorfqu’il nous
a appris par des expériences fans répliqué , que
le bois nè contra&oit aucune efpèce d’union
avec le bois dans lés arbres ; que l’aubier ne
s’uniffoit ni avec l’aubier ni avec le bois ; ou
que fi l’aubier s’uniffoit avec l’aubiei», ce qui
étoit fort rare, l’adhérence étoit extrêmement
foible. Mais il a vu toujours que l’écorce d’un
arbre pourvue de fon liber, s’uniflpit étroitement
avec l’écorce & le liber de cet arbre, quand on
l’appliquoit fraîchement fur eux, quoiqu’elle en
eût éré totalement féparée ; en forte que fi l’on
rendoit cette application confiante pendant quelque
tems, le lambeau d’écorce enlevé & rapproché
faifoit enfuite corps avec l’arbre, comme
s*’il n’en avoit pas été enlevé. M. Duhamel a vu
encore que fi l’on à deux écorces dont l’une
foit adhérente à l’arbre écorcé jufques au
liber, & dont l’aurre foit totalement enlevée à
l’arbre auquel elle appartenoit, ces deux écorces
s’unifient parfaitement, lorfqu’on les applique
immédiatement l’une fur l’autre ; quand même
la première feroit privée de fon parenchyme *,
cette union devient alors abfolue, & il fe forme
un bourrelet aurour de la Greffe, comme il
s’en forme toujours autour des plaies.
Il réfui te de ces expériences qu’on peut unir
parfaitement les parties de l’écorce d’une plante
féparées de la plante qui l’a produite avec cette
même plante, de manière que ces parries féparées
& réunies enfuite, redeviennent les parries
intégrantes de cette plante , comme elles étoient
auparavant. Voye[ E corce.
L ’expérience apprend de même, que les parties
de l’écorce d’un arbre fe foudent parfaitement
bien fur l’écorce & le bois éCorcé d’un autre
arbre de la même efpèce, pourvu que le liber
foit toujours adhérent au bois ou à l’écorce.
L ’union fe fait çlans les couches corticales, lorf-
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que les fibres ligneufes ne font pas développées-
Cette union doit encore être intime d’après les
expériences que j’ai rapportées, parce que les
écorces de divers arbres de laàmême efpèce ont
.entr'elles la plus grande analogie, & par confé-
quent avec les bois quelles doivent produire ,
en forte que cette union dc-sla Greffe & du
fujet étoit déjà tout-à-fait démontrée.
Enfin l’expérience" qui tente to u t , ne tarda
pas à trouver que l’écorce de quelques arbres
d’efpèces différentes pouvoit fe fouder de la
même manière que celles dont j’ai parlé.
Noue avons donc découvert la folution d’une
partie du problème., puifque nous femmes parvenus
à fouder un lambeau de l’écorce d’un
arbre fur le bois & l’écorce d’un autre. J ’obfer-
verai néanmoins que ceci donne naiffance à
une cicatrice, ou à un bourrelet comme toutes
les plaies, & qu’il faut traiter cette opération
comme les plaies végétales, en la garantiffantdu.
I contaél de l’air îc de l’eau,.& en tenant les parties
rapprochées par une tente. Voyc{ Bous r e l e t ,
Plaeé.
Cette- .réunion eft pourtant bien éloignée de
donner une idée de la Greffe mais, malgré cet
éloignement, il ne refte pourtant qu’un pas à
faire pour obtenir la folution complette du pro-
! blême qui. nous occupe. On fait que les bou-
- tons exiftent entièrement dans l’écorce : que fi
l’on enlève à un arbre une partie d’écorcé fur
laquelle il y a un bouton, ce bouton ne fou fifre
point par fon enlèvement. Il arrivera donc
i que fi le lambeau de l’écofce enlevée fe foude
fur l'écorce écorchée d’un arbre, le" lambeau de
l’écqrce enlevée & foudée, fera dans les mêmes
; circonfianccs où il étoit avant la foudure ; en
forte que fi le bouton ne périt-pas par cette
opération , il fe trouve précifément tel qu’il
étoit dans fon état naturel. Mais voilà rigou-
reufement ce qui fe paffe d’abord après que la
foudure eft achevée ; le bouton le développe &
il fuit les événemens de fon hiftoire,.- comme
s’il ne lui étoit rien arrivé.
Tels font les événemens de la G reffe,
l’explication de ce phénomène fingulier, qui n’efï
autre chofe, comme 1 obferve parfaitement bien
M. Adanfon, que l’application latérale de la
partie qui.eft entre l’écorce, & le bois de la
Greffe à la partie qui eft entre l’écorce, & le bois
du fujet. C’eft de cette manière que fe fait la
Greffe par approche, & en fente. Ou bien, la
Greffe eft l’application d’un lambeau de l’écorce
d’un arbre , fur le bois ou I écorce^ écorchés
d’nn autre arbre ; comme on le voit ^ dans la
Greffe en couronne , en écuffon ,\ en flûte.
On peut conclure à préfent que, comme dans
ces deux cas généraux, les méthodes employées
fs bornent à appliquer l’écorce de la Greffe fur
l’écorce, ou fur les couches corticales du fujet , J j’ai réfolu le problème dans tout^fa généralité.