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On a mis avec fuccès l’Amérique feptentrio-
nale à contribution pour les arbres, & elle peuple
utilement nos forêts, nos parcs & nos jardins,
comme elle enriçhit nos compagnes par fes patates,
& comme elle les enrichira peut-être encore
par fes ignames. Mais je voudrais qu’on pût
s’approprier l’arbre à pain qui croît dans les lfles
de la Mer du Sud. M. Necker, dans ion premier
Miniftère, avoit voulu faire ce préfent à
la France ; mais on ignore le réfultat de fes idées
patriotiques.
Quand une fois on pofsède ces Efpèces nouvelles
dans les,arbres, On ne peut lès conferver
franches, lorfque les individus font le produit dès
graines, qu’en greffant le franc fur le franc, &
en multipliant les boutures. Mais, pour les plantes
herbacées, il faut les féparer de toutes les autres
, de peur que leurs pouffières n’altérent l’e f -
pèce produite ; car ces pouffières, en pénétrant
le piffil des autres plantes qu’on veut conferver,
pourraient influer fur le germe , l’altéreraient &
Fourniraient de nouvelles variétés.
Quand on ne fe contente pas des variétés qui
font l’ouvrage des circonflances & qu’on efl forcé
de les attendre , on peut néanmoins les hâter &
les produire à fon g ré , en opérant foi-même ce
que le vent.&les circonflances font continuellement
; on peut fccouer. fur les fleurs femelles
d’une plante, fi elles font diflinéles, des.fleurs
mâles , ou fur les fleurs des plantes, hermaphrodites
après en avoir retranché les étamines,
on peut fecouer fur ces fleurs femelles ,
les étamines ou les pouffières des fleurs d’autres
arbres dont on voudroit effayer le mélange.
L ’Auteur du Diètionnaire d’Agriculture croit
qu’on réuffira mieux fi l’on choifit un jeune arbre,
ayant un petit nombre de fleurs, & fi l ’on y
verfe les pouffières des fleurs d’un jeune arbre ,
au moment où la fleur va s'épanouir ; car la fé - .
copdation eft finie quand la fleur eft épanouie ;
avant l’épanouiffement on foulève les pétales, on
coupe les étamines, on faupoudre le piffil avec
les pouffières des étamines d’un autre arbre analogue
; on répète cette opération plufieurs fois
dans le jour : & fi elle réuffit, on obtiendra les
variétés! qu’on defire.
Mais i f ne faudrait pas croire que toutes Ces
fécondations réuffiffeiit, elles font toujours déterminées
par la groffeur des étamines & le calibre
des piftils. Les différences dans les groffeurs des
plantes, dans les faifons où elles fleuriffcnt, ou
elles végètent, dans leurs- rapports avec les £lé-
.«mens doivent mettre des. bornes à la fécondité
de ces mariages bigarrés. C’efi à cela fans doute
qu’efl dûe la permanence des Efpèces -, c’eft pour
cela que,le bled, l’orge & le feigiene fe raêlentpoint.
Cependant ces variétés produites par la
nature font affez communes , comme l’ïiiftoire
de Marchand nous l’apprend. On voit des raifins
blancs fur une grappe rouge. Dans des lieux in - .
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cultes ces mélanges font plus rares, parce le
tiffu de ces plantes fauvages efl plus ferme, plus
déterminé ; parce qu’il n’admet pas les modifications
auxquelles fe prête le tiffu'lâche des plantes
cultivées : celles-ci pai la même raifon font
plus fujettes à devenir doubles panachées, à offrir
toutes fortes de monflruofités.
Tous les coquelicots font rouges dans les
champs , les barbeaux bleus , les primevères
jaunes ; mais tout cela fe varie dans nos
jardins.
Si l’on obtient ces variétés naturellement &
artificiellement, on ne parvient jamais à opérer
Ja tranfmutation d’une Efpèce dans une autre,
celle du bled en ivraye par exemple, comme
tant d’Agriculteurs • l’ont cru & le croyent encore.
Pour produire au moins ce changement,
il faudrait changer abfolument le germe dans la
plantule, & quoique des circonflances particulières
puiffent le modifier plus ou moins, & plus
ou moins promptement, aucune force humaine
ne fauroit le changer dans fon effence ; auffi
comme on ne peut imaginer une plante d’ivraye
fortant d'un grain de bled, on ne peut croire la
production de cet effet.
Cependant on trouve de l’ivraye dans un
champ où l’on a femé du bled très-pur. A cela
je répondrai ; i.° qu’il eft très-difficile de s’aflurer
que le bled femé foit fans ivraye l’ivrâye,
qui mûrit plutôt que le froment répand fon grain
pour lés années fuivantes avant qu’on ait moif-
foriné ; 3.0 les épis d’ivraye s’égrainent par cette
raifon, quand on moifïbnne -, 4.°de l’ivraye, qui
rampe à terre, eft foulée aux pieds par les moif-
fonneurs, & fon grain refte dans la terre ; 5.0 l’humidité
qui favorite le développement de l’ivraye
nuit à celui du froment : auffi, dans les années
humides, il y a plus d’ivraye que dans les années
féches; 6;° lés engrais où Fon jette lés
balayures dés poulailliers portent avec eux les
grains qui n’auroient pas été brifés dans les gefiers
de la volaille ; 7 / enfin qui pourrait douter que
les vents, les eaux ne trompent la vigilance des
Agriculteurs les plus foigneux. .
Il ne me refte qu’une feule obfervation qui
pourra, comme les précédentes, s’appliquer à tous
les cas femblables y fi l’ivraye étoit un bled dégénéré,
on pourrait par la culture ramener l’i -
vrâyc à l’état de bled -, ce qui je crois n’eft jamais
arrivé. Et l’on n’a pas mieux réufti pendant
plufieurs années à1 changer le bled en ivraye
en le foitmettant au régime humide que l’ivraye
fembie demander.
ESPRIT RECTEUR. C’eft ce principe très-
fubtil., très-atténué , très-volatil qui s’exhale
fpontanément des végétaux abandonnés à eux-
mêmes,.ou qu’on en'retire par la voie de la
diftillation. En général, on peut regarder l’Efprit
reéteur des plantes avec Buquet, qui a trèssbien
traité ce fujet dans fon Introduction à l ’Etude du Règne
E S P
rïgné végàd , comme la partie aromatique des
palntes féparée de tout autre principe, fi on en
excepté un peu d’eau qui fert que quefois à
l’envelopper, & qui'donne à lArtifte la facilité
de le raffcmbler. - „
Quoique ce principe fe mamfefte fans celle
autour de nous, quand nous vivons au milieu des
plantes, il efi cependant très-peu connu ; voici
à-peu-près ce qu’on a pu en favoir.
L ’Efprit reéïeur paraît d abord très-volatil, il
s’exhale fanscelTe ; on s’en apperçpit par 1 odeur
ou’il répand toujours : ee principe des plantes
eft très-atrénué ; il nage dans l’air St il sappfi-
aue fur quelques corps ; il ne donne_ d autres
preuves de fa préfence que celles qui font perceptibles
par l’odeur. Si ce principe eft unique,
il eft fnfceptible de diverfes combmaifons puil-
que chaque plante a une odeur particulière : &
l i l fe trouve dans toutes les plantes, cette odeur
neut Y être—plus ou moins enchaînée ; il y a
mên« des cas où cet efprit reaeur eft prefque
rendu fix e, comme dans les bois odorants &
dans les parties végétales qui confervent de 1 odeur
après leur déification. Enfin il y a des plantes qui
n’ont qu’une odeur herbacée.
Il paroît qu’ily a autant de fortes d Efprit-Reéleur
qu’ily ade plantes, puifqu’i l y a autant d odeurs
particulières oudèfortesdemoléculesvolatilesqui
peuvent s’en échapper. Ce principe eft toujours
en mouvement dans les plantes aromatiques . il
faut l’arracher aux plantes crucifères. Cependant
i fuivant les obfervations de M. Tingry,
ces deux Efprlts fe réffemblent par la matière
onélueufe qu’ils fourniffent & qui fumage comme
les flocons blanchâtres qu’on apperçou quand
ces cfprits fe dëcompofent.
Il paroîtroit que l’Efprit-Reéleur eft uni au principe
huileux: on le trouve toujours uni avec
les huiles eflentielLes qui ont l’odeur de la plante.
Celles qui ont l’odeur la plus tenace , font
aufli celles qui donnent le p 'u s d huile effen
tièllé. On ne peut conferver 1 Efprit - Reéteur
des ÎY S , des tubéreufes, du jafmin quen le
combinant avec une huile grade. D’ailleurs les
plantes fans odeur ne donnent point d huile
efientielle. Celles qui ont perdu leur Efpnt-
Reéleur ne fournilfant plus l’huile efientielle
avec laquelle il eft uni. Enfin une huile efientielle
qui a perdu ion odeur , la reprendra fi on la
diftille avec la plante fraîche qui l’a fourme.
Les plantes fort aqneufes comme les hhacées
perdent en, Léchant leur odeur. D’autres, plantes.,
comme le romarin, le fantalcitrîn confervent
leur odeur, même après la déification.
11 paroîtroit que ce principe qui paire avec
l’eau quand on difiille la .plante , a cependant
plus d’affirfités avec l’efprit-de-vin & avec les
huiles effentieiles. Eft-ce par la partie inflammable
ou charhopnéufe ? E ft-ce par l’air pur
Thyjîologie végétale. Tom.J.tr I.cre Partie.
E S P ' . : 7f
' ou l’oxigène ? Eft-ce par ces deux principes ?
J e l’ignore-, mais je ne connois pas mieux fauature.
Boêrhaave & Macquer ont Cru que l ’Efprit-
Reétèur des plantes étoit compofé d’une iuhf-
■ tance inflammable & d’une matière faline ; mais
il fembleroit que ces fubflances ne. font pas également
combinées dans toutes les plantes ; R
paroîtroit que l’Efprit-Reéleur des plantes crucifères
ferait plus faUn que celui des autres
plantes;. & qu’il formerait,fuivant les recherches-
de M. Tingry, dans fon Mémoire fur les plantes
ant't -feorbutiques couronné par la Société de
.Médecine, un fel végéto-ammoniacal ; que le
principe odorant de ces plantes ne contient pas
le foufre formé comme on l’a cru, mais qu’il
peut en contenir les élémens. M. Tingry obferve
encore que le principe huileux eft en très-petite
quantité dans cet E fpr it, & qu’il ne dépofe
rien d’huileux fur les vaiffeaux qui renferment
la plante d’où il s’échappe.
Il paroîtroit que l’Efprit-Reéteur des plantes
aromatiques eft plus huileux -, on fait que TEL-
prit-Reéleur de la Fraxinelle & de la Capucine
eft plus inflammable.
J ’ai voulu voir fi cet Efprit-Reéleur étoit vraiment
huileux ; j’ai pris une grande quantité de
fleurs de tubéreufe, je les ai diftillé au bain-marie,
à la chaleur de 45 à <jo degrés du thermomètre
de Réamr.ur ; j’ai verie de l’eau dans
. l’efprit-de-vin qui a paffé à la diftillation, 3c
il n’y a pas eu le moindre nuage : ce qui m’a
convaincu que cet Efprit-Reéleur, qui eft très-
fort , n’a rien d’huileux ; qu’il eft tout-à—fait
éthéré, & c’eft peut-être pour cela qu’il eft fi
fugace. Il n’en eft pas de même quand on diftille
l’efprit-de-vin avec les plantes aromatiques;
mais alors l’huile aromatique quelles contiennent
paffe dans l’efprit-de-vin avec l’E fprit-
Reéleur qui les rend fluides. Ceci fournit une
remarque qui m érite quelque attention ; l’Efprit-
Reéleur des fleurs eft très-différent de celui des
feuilles ; le premier eft toujours très-élaboré , .
c’eft ce qui le fépara de la partie huileufe ; le
fécond qui s’élabore dans le parenchyme des
feuilles eft beaucoup moins volatil, ou, plutôt
il eft combiné avec, la matière réfineule des
feuilles.
On a remarqué que plufieurs plantes, dont
les feuilles o n t . une odeur très-forte, avoient
des feuilles prefque inodores, comme la tubéreufe
, la jonquille ; mais la fleur des plantes
aromatiques a pour l’ordinaire une odeur fem-
blable à celle des feuilles, ou du moins il eft
difficile de ladiffinguer comme dans la menthe.
Cet Efprit-Reéleur feroit-il un gaz comme
Macquer le croit ? Je ferais poné à le croire
auffi , fi l’on entend par ce mot une fubftance
vo'atilifée ,& devenue prefque aëriforme par
! fa volatilité, fa tranfparence. Mais quel feroit
cê gaz ? Il faut l’avouer, il feroit d’une nature
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