
16é S E V
un tube, dont la moitié fut remplie de papier
gris tortillé, après avoir été plongé dans l’eau.
Mais, dans un tube rempli de papier non tortillé
, & plongé de même dans Peau, on vit Peau
s’élever à 18 pouces, dans l’efpace de fept jours.
L'alternative de l’air chaud & de Pair froid ne
faifoit rien pour cette afcenfion. On a cru enfin
ue l’eau fe comportoit dans la plante, comme
, ans une bande d’étoffe qui trempe dans un
fluide. Quoi qu’il en Loir, par tous ces moyens,
on ne s’élève jamais jufqu’ à la hauteur des grands
arbres., lors même que L’on emploie le foleil
pour attirer les eaux jufqu’à la cime des plantes
& le froid, pour ramener les fucs ve*s leurs racines.
11 paroît donc que les divers moyens employés
pour expliquer‘Pafcenfion delà Sève dans
les plantes, ofirent plus d’idées ingénieufes que
d’explications folides.
Voici une expérience qu’il fera peut-être
utile de rapporter, pour apprendre à le défier
d’une expérience ifolée. Les expériences inf-
truifent toujours. Si l’on prend un jonc ayant
fa moelle, fi on le met tremper dans l’huile,
elle s’élèvera dans le jonc, de manière qu’il peut
prendre feu dans toute fa longueur. Il femble-
-roit que les plantes , qui croiffent le plus vite,
ont plus de matière fpongieufe que les autres -,
on fait au moins que cette matière diminue dans
les plantes malades, & que les plantes dont le
liffu cellulaire efl flafque, fe remettent bien-tôt
lorfqu’elles font fanées, quand on leur faitfuccr
l’eau. Ne fembleroit-il pas vraifemblable, après
ces expériences, que l’eau foit mife en mouvement
dans le parenchyme, au travers des utri-
cules, depuis la bafe des plantes, jufqu’à leur
cime, comme fhuile fe meut dans le jonc, depuis
l'a bafe qui y trempe, jufqu’à fon fommer,
en tràverlànt les véficules qui la forment? Mais
fi la Sève fe meut ainff'dans les plantes pleines
de moelle, il faudroit imaginer alors un moyen
différent pour mouvoir la Sève dans les chênes
& dans les plantes qui font privées de moelle
comme eux.
Enfin l’analogie fuppofée-, enrre les. animaux
& les plantes, a fait croire qu’il y avoît dans les
végétaux une circulation de fucs fembfable à celle
qu’on obferve dans les animaux ; en forte que
Je même flic faifoit plufieurs fois le tour du vé-
Tgétal, qu’il fe renouvelloit en circulant, & dé-
pofoit dans fà-conrfe la nourriture convenable à
chaque parrieje ne m’arrêterai point à difeuter les
argumens de ceux qui établiffent cette opinion ; il
fera fiuffifiant.de montrer les faits qui’ la comrarienr.
Il y a des plantes qui fe confervent faines',
quoiqu’elles ne puiffent plus renouveler leur Sève
psjr leurs racines : telles font quelques plantes
qui vivent quelques mois & même quelques
années après avoir été arrachées, comme le
Caâus heptagones dont j’ai parlé : telles font les
reprifiesqui fjeuriffent au plancher : telles font
S E V
les greffes qui fe confervent en vie pendant
plufieurs mois : telles font les boutures qui s’enracinent
quoiqu’elles n’aient point des ouvertures
pour perdre leur Sève, les branches de la robinia
végètent &fleuriffent pendant2 moisfansracines.
D’ailleurs où efi la force qui fait jaillir cette
lymphe ? Comment imaginer qu’elle pafle avec
tant d’inégalités dans les différentes plantes ? Comment
expliquer la végétation des crocus quidonr*
nentdes tiges & des fleurs, quoiqu’ils ne trempent
pas dans l’eau? Les plantes marines, qui font
fans racines, manqùeroient du principe moteur
des fucs alimentaires : la circulation ne pourroit
pas plus s’établir dans ces plantes'que dans les
boutures & les greffes, fi cette circulation devoit
néceffairement fe faire au travers des racines.
D’ailleurs fi l’on prend une branche de ronce,
où les lues doivent circuler dans toute fa longueur,
& fi l’on force cette branche à toucher la
terre dans le milieu , on voir cérre partie s’enraciner
: fi l’on coupe la ronce par la bafe lorfque
lés racines fe font développées, la circulation fe
fera avec la nouvelle racine dans,un fiens oppofé
à celui de la première circulation : ce qui fup-
poferoîtune organifation differente de celle qu'on
a obfervée dans le premier état de la .branche, l î
en fera de même pour toutes les .plantes rompante?*
D’ailleurs les deux bouts d’une branche peuvent
également prendre racine, ils afipiref.t également
l’eau: ce qui rendroit pour tant nécèflâîre une
difpofition de vaiffeaux particulière pour établir
la circulation qu’on fuppofe; car on ne peut pas
imaginer qu’elle fe fàffe femblablemem dans Ici
pofitions oppofées.
La circulation.de la Sève ne me paroîtpas mieux:
prouvée que les autres hypoifiéfes pour expliquer
fôn mouvement ; mais efîe efi égalemem déconcertée
par ce fait qui déconcerte soutes les explications.
Si. l’on a, pendant l’Hiver, un vafie de
rcfier en dehors d’une ferre chaude, & fi l’on
introduit dans la ferre line branche de ce rofier
en ’mafiiquant bien le trou par lequel elle paffa
afin que le froid ne refroidifle pas-la ferre ; cette
branche fleurira tandis que le pied & les autre»
branches feront dans la terre gelée. Ou. bien fi
l’on a un rofier dans la ferre dont une desbranchejs.
pafle dehors, la plante végétera vigoureufemenc
dans la ferre, & la branché, qui efi dehors,fera
comme fi le pied étoit en pleine terre. On eroi-
roit que chaque bouton, chaque rameau font
des parties ifofees qui peuvent végéter fans les
autres ; cependant ce bouton, ce rameau, ne fie
développeraient pas s’ils étoienr détachés de fia
plante & placés fans elle dans la ferre. D’où,
viennent donc les fluides néçeffaires pour déve-*
lopper ces.feuilles, ces tiges?-Sont-ils tirés de la
terre gelée, delà racine.refroidie? Je crois, que.l’op
n’a pas examiné avec a fiez de foin toutes les cir-
conflancesde ce phénomène.,qui mérite la plus
) grande attention & qui me femble très-propres
S E V
à répandre du jour fur les mouvemens de la Sève
par les faits fingùiiers qu’il met foustes yeux, «.
par le s . cijconitances remarquables q,u tl offre a
l ’Obfcrvateur. „ _ , ' ■ ■■ ’-
M. Bonnet, dans une lettre à M. Duhamel;,
augmente encore toutes ces difficultés. 11 fe de-
mande avec bien de la raifon, comment les, lues
enfilent-ils lesmanunelons des racines? Qu’eft-ce
qui les détermine à.fuivçe cette routeè.Comment
la goutte d’eau monce-t—elle dans la racine, dans
lau»e, dans la branche? Comment cela s’opère-. ;
t-ilTfans des , çraçhéçs, puifqu’il n’y a point de
trachées dans )’écorcaér . ; , , , , . . ' . e H
C’eft encore un phénomène qui feroit bleu
difficile à expliquer dans le fyftême de la circulation
, que celui que préfentent toutes les ente»,
& fur-tout quelques-unes. Comment pourroit-il
arriver qu’un anneau cl’écorce enlevé à un arbre
dans toute fa drcqnférençe fer remplacé, par un
anneau enlevéè un autre arbre ou à lui-même?
Comment la circulation feroit-elie allez peu
troublée par cptte opération .pour que tout fe :
paffât comme s’il n’étoit rien arrivé, & que l’anneau
reprit fa place comme s’il n’avoit jamais été
féparé du corps de la plante? Certainement on
ne peut imaginetdans ce iyftîme que les orifices,
des vaiflequx s’abouchent fi bien par-tout tjue la
circulation continue comme fi elle n’avott pas
été totalement fupprimée, à,
M. Defauifure, après avoir eu la bonté de
lire: ce long ouvrage, l’a enrichi comme on a
pu le voir de plufieurs obfervations curieufes ;
mais, quand il eut achevé l’examen que je viens
dè faire des différentes hypofhèfes imaginées pour
expliquer le mouvement delà Sève, il vit bientôt
qu’aucunes d’elles n’offroit des icjées allez
précifes fur la manière dont on pouvoit rendre
raifon des divers phénomènes par la çqntraèlion.
& la dilatation des fibres ou des vaiffeaux ; & il
a expofé dans le morceau qui fuit la manière
dont il conçoit ce mécanifrne ; on y connoitra
d'abord le génie & la fagacité de fon Auteur.
Suppofez un tube flexible dans une fituation
verticale & rempli de Sève ou de tout autre
liquide depuis le bas jufqu’à la moitié de fa
hauteur : fnppofez ce tube ouvert par fes deux
extrémités & plongé dans l’eau par en bas.JLe
fluide qu’il contient va s’écouler & fe mêlera
l’eau : mais s’il fe forme un étranglement dans la
partie inférieure, cet étranglement empêchera
l ’écoulement & le fluide demeurera renfermé
dans le tube. Qu’immédiatement au-defftis de
cet étranglement le tube fe refîerre encore : le
fluide fera cbaffé vers le haut. Et fl de proche
en proche le tube continue à fe refferrer , le fluide
fera progrefiivement chaffé vers le haut du tube.
Qu’après que le fluide a été ainfi chaffé à une
certaine hauteur , l’orifice inférieur du tube fe
rouvre, tandis que la partie moyenne demeure
ïefferrée : l’eau dans laquelle plonge le tube fol-
S E V t 67
licitée ou par la prefiion de l’air extérieur ou
par la fuccion capillaire entrera dans le vuicte
qui, vient de fe former.. Qu’au bout d’un certain
efpace de teins le bas du tube fe refferre de
nouveau , & que ce refferrement aillé progrefii-
vement en montant; une nouvelle quantité de
liquide fera portée vers le haut du tube. On
peut donc concevoir diftinélement comment la
répétition des mêmes alternatives de contraélion
& de dilatation peut chaffer continuellement dans
le même fiens un fluide renfermé dans un tube
élaflique.
Si la contraction avoit commencé par le haut
du tube,, le fluide auroit été chaffé vers la.terre.
Si, dans un tube horizontal, la contraction commence
à.droite, le fluide marchera à gauche Sç
réciproquement. Tous les mouvemens des fluides
ÿégétaux foit afeendans, foit defeendans, foit tranf-
verfaux peuvent donc s’expliquer par la fuppo-
fltion d’une contraction & d’uneexpanfion fuccefi-
fives des vaiffeaux qui les renferment. Ou même
fi l’on nioic l ’exiftcnce des vaiffeaux, tout cela
pourroit s’opérer par de femBlables mouvemens
des fibres folides entre lefquelles ces fluides font
renfermés.
On voit en mème-tems comment par unfimplc
changement dans l’ordre des contractions, les
mêmes vaiffeaux qui faifoient marcher la Sève
dans un certain Cens, peuvent la faire marcher
dans une direction oppofée. Il efi indifpenfable
d’expliquer ce fait; puifque, dans l’arbre que l’on
plante à l’envers, les racines en l’air & la tête
dans la terre, il faut bien c[ue la Sève prenne
une direction contraire à celle quelle avoit
d’abord. Il efi impoflible d’expliquer ce fait dans
l’hypothèfe des valvules ou foupapes:
Je fiais :bien que ce mouvement alternatif n’a
point été conftaté par des obfervations immédiates.
Mais fi on l’avoir obfervé , ce ne feroit pas une
hypothèfe, ce feroit un fait. Il efi évident que
foit la lenteur, foit la ténuité des vaiffeaux dans
lefquels on le fuppofe, peuvent le dérober à nos
yeux. C’efl; ainfi que l’on ne peut point obferver
la pulfation des altères dans leurs dernières ramifications
, quoique perfoane n’olàt affirmer
que ce mouvement ceffe dès le terme où on ceffe
de l’appercevoir.
D’ailleurs il efi bien certain que l’afcenfion de
la Sève efi l’effet d’une force très-puiffante 8t
très-aélive , puifque cette force efi capable non-
feulement de furmonter la réfiflance du poids de
la Sève & la réfiflance incomparablement plus
grande dufrottement dans des conduitsauffiétroits;
mais que, d’après les expériences de Haies, celte
force afeendante équivaut encore au poids d’unç
colonne d’eau de 40 pieds de hauteur ; poids
qui furpaffe d’un quart celui de l’atmofphère.
Or on fait quelle efi la puiffance des forcés
quiréfultent des allions conlpirantcsd’uM nombre
immenfc des parties organiques. L1 ij