126 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
les obligeant de plier dans le milieu & de hauffer par les
bouts, efl cent fois plus confidérable que celle des plâtres
& des mortiers qui cèdent & fè dégradent aifément, & je
puis alïurer, après l’avoir éprouvé, que la différence de
force d’une pièce pofée fur deux appuis & libre par les
bouts, & de celle d’une pièce fixée par les deux bouts
dans une muraille bâtie à l’ordinaire, efl fi petite qu’elle
ne mérite pas qu’on y fafïe attention.
J ’avoue qu’en retenant une pièce par des ancres de
fer, en la pofànt fur des pierres de taille dans une bonne
muraille on augmente confidérablement fa force. J ’ai
quelques expériences fur cette pofition, dont je pourrai
donner les réfultats. J ’avouerai même de plus, que fi
cette pièce étoit invinciblement retenue & inébranlablement
contenue par les deux bouts dans des enchâtres
d ’une matière inflexible & parfaitement dure, il faudrait
une force prefque infinie pour la rompre; car on peut
démontrer que pour rompre une pièce ainfî pofée, il
faudrait une force beaucoup plus grande que la force
néceffaire pour rompre une pièce de bois debout, qu’on
'tirerait ou qu’on prefferoit fuivant fa longueur.
Dans les bâtimens & les contignatiohs ordinaires, les
pièces de bois font chargées dans toute leur longueur & en
différens points, au lieu que dans mes expériences toute la
charge efl réunie dans un fèul point au milieu ; cela fait une
différence confidérable, mais qu’il efl aifé de déterminer
au jufle ; c’eft une affaire de calcul que tout Conflrucleur un
peu verfé dans la mécanique pourra flippléer aifément.
Pour effayer de comparer les effets du temps fur la
réfiftance du bois, & pour reconnoître combien il diminue
de fà force, j ’ai choifi quatre pièces de i 8 pieds de longueur,
fur 7 pouces de groffeur ; j’en ai fait rompre deux,
qui en nombres ronds, ont porté neuf milliers chacune
pendant une heure: j’ai fait charger les deux autres de
fix milliers feulement, c ’eft- à -d ire , des deux tiers de la
première charge, & je les ai laiffé ainfî chargées, réfolu
d’attendre l’évènement. L ’une de ces pièces a caffé au
bout de cinq mois & vingt-cinq jours, & l ’autre au bout
de fix mois & dix-fèpt jours. Après cette expérience je
fis travailler deux autres pièces toutes pareilles, & je ne
les fis charger que de la moitié, c ’eft-à-dire de q.yoo
livres ; je les ai tenu pendant plus de deux ans ainfî
chargées , elles n’ont pas rompu, mais elles ont plié affez
confidérablement ; ainfî dans des bâtimens qui doivent
durer long-temps, il ne Lut donner au bois tout au plus
que la moitié de la charge qui peut le faire rompre, &
il n’y a que dans des cas preffans & dans des conflruélions
qui ne doivent pas durer, comme lorfqu’il faut faire un
pont pour paffer une armée, ou un échaffaud pour fe-
courir ou affaillir une ville, qu’on peut hafàrder de donner
au bois les deux tiers de fa charge.
Je ne fais s’il efl néceffaire d’avertir que j ’ai rebuté
plufieurs pièces qui avoient des défauts, & que je n’ai
compris dans ma Table que les expériences dont j ’ai été
fatisfait. J ’ai encore rejeté plus de bois que je n’en ai
employé ; les noeuds, le fil tranché & les autres défauts