Pour me donner l’idée nette d’une lumière feize
fois plus forte que celle de la Lune, j ’ai Lit tomber
dans un lieu obfcur, au moyen des miroirs d’Archimède,
trente-deux images de la pleine Lune, reunies fur les
memes objets ; la lumière de ces trente - deux images
étoit feize fois plus forte que la lumière finiple de la
Lune, car nous avons démontré par les expériences du
fixième Mémoire , que la lumière en général ne perd
qu’environ moitié par la réflexion fiir une furfàce bien
polie. Or cette lumière des trente - deux images de la
Lune, m’a paru éclairer les objets autant & plus que
celle du jour lorfque le Ciel efl: couvert de nuages ; il
n’y a donc point de nuit pour la face de la Lune qui
nous regarde, tant que le Soleil éclairé la face de la
Terre qui la regarde elle-même.
Mais cette lumière n’eft pas la feule émanation
bénigne que la Lune ait reçue & reçoive de la Terre.
Dans le commencement des temps, le globe terreflre
étoit pour cette planète un fécond Soleil plus ardent
que le premier; comme fa diftance a la Terre n efl que
de quatre - vingt - cinq mille lieues, & que la diftance
du Soleil efl: d’environ trente-trois millions, la Terre
faifoit alors fur la Lune un feu bien fupérieur à celui
du Soleil; nous ferons aifément l’eftimation de cet effet,
en confidérant que la Terre préfente à la Lune une
furface environ feize fois plus grande que le Soleil, &
par conféquent le globe terreflre dans fon état d incan-
defcence étoit pour la Lune un aftre feize fois plus
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grand que le Soleil ( l ) . O r , nous avons vu que la
compenfation faite par la chaleur du Soleil à la perte
de la chaleur propre de la Lune pendant 14323 ans,
a été d e 'yf , & le prolongement du refroidiffement, de
149 ans; mais la chaleur envoyée par la Terre en incan-
defcence, étant feiz.e fois plus grande que celle du Soleil,
la compenfation qu’elle a faite alors étoit donc .bkfêL parce
( 1) On peut encore préfenter
d’une autre manière, qui paroîtra
peut-être plus claire , les raifonne-
tnens & ies calculs ci-deffus. On
fait que le diamètre du Soleil efl à
celui de la T erre : : 1 0 7 : 1 , leurs
furfaces : : 1 1449 : 1, & leurs
volumes : : 12.2. 5043 ; ILe
Soleil qui efl: à peu-près
éloigné de la Terre & de la Lune
également, leur envoie à chacune
une certaine quantité de chaleur,
laquelle , comme celle de tous les
corps chauds, efl en raifon de la
furface & non pas du volume.
Suppofant donc le Soleil divifé en
1225043 petits globes, chacun
gros comme la T erre, la chaleur
que chacun de ces petits globes
enverroit à la Lune , feroit à celle
que le Soleil lui envoie , comme fa
furface d’un de ces petits globes
efl à la furface du Soleil, c’eft-à-
dlre : : 1 : 1 1440. Mais en mettant
ce petie- globe de feu à la place de
la T erre , il efl évident que la chaleur
fera augmentée dans la même
r.ailbn que l’elpace aura diminué.
O r, la diftance du Soleil & celle
de la T erre à la Lune , font entre
elles;.:7 2 0 0 : 1 7 , dont lesquarrés
font ; i 5 1 S40000 : 28p. Donc
la chaleur que le petit globe de feu
placé à quatre - vingt - cinq mille
lieues de diftance de la Lune lui
enverroit, feroit à celle qu’il lui en-
voyoit auparavant : : .1793 7 7 ; 1.
Mais nous avoirs vu que la furface
de ce petit globe n’étoit à celle du
Soleil que : : 1 : 1 1 4 4 9 , ainfi la
quantité de chaleur que fa furfàce
. enverroit vers fa Lune, eft onze
mille quatre cents quarante - n euf
fois plus petite que celle du Soleil.
Divifant donc 1 7 9 3-7 5 * par
1 1 4 4 9 , il fè trouve que cette
chaleur envoyée par la T erre en
incandefcence à la Lune étoit
1 5 | , c’eft-à-dire environ feize fois,
plus forte que celle du Soleil.