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arrivent à force d’expériences à des pratiques utiles : la
manière de cultiver le b lé , la vigne, les légumes & les
autres productions de la terre que l’on recueille tous les
ans, elt mieux & plus généralement connue que la façon
d’entretenir & cultiver une forêt; & quand même la
culture des champs feroit défeétueufe à plufieurs égards,
il eft pourtant certain que les ufages établis, font fondés
fur des expériences continuellement répétées, dont les
rélîdtats font des efpèces d’approximations du vrai. Le
cultivateur éclairé par un intérêt toujours nouveau, apprend
à ne pas le tromper, ou du moins à fe tromper peu for
les moyens de rendre fon terrein plus fertile.
C e même intérêt fe trouvant par-tout, il feroit naturel
de penfer que les hommes ont donné quelque attention
à la culture des bois; cependant rien n’eft moins connu,
rien n’eft plus négligé : le bois paraît être un préfent de
la Nature, qu’il fuffit de recevoir tel qu’il fort de fes
mains. La néceffité de le faire valoir ne s’eft pas fait
fentir, & la manière d ’en jouir n’étant pas fondée for des
expériences affez répétées, on ignore jufqu’aux moyens
les plus fimplès de conferver les forêts, & d’augmenter
leur produit.
Je n’ai garde de vouloir infinuer par-là que les recherches
& les obfervations que j’ai faites for cette matière,
foient des découvertes admirables ; je dois avertir au
contraire que ce font des cho'fes communes, mais que
leur utilité peut rendre importantes. J ’ai déjà donné dans
l ’article précédent mes vues fur ce fujet, je vais dans
celui-ci
P a r t i e e x p é r i m e n t a l e . 273
c e lu i-c i étendre ces vues, en préfentant de nouveaux
faits.
Le produit d’un terrein peut fe meforer par la culture ;
plus la terre eft travaillée, plus elle rapporte de fruits;
mais cette vérité, d’ailleurs fi utile, fouffre quelques
exceptions, & dans les bois une culture prématurée &
mal entendue caufe la difette au lieu de produire l’abondance
; par exemple, on imagine, & je l’ai cru long-temps,
que la meilleure manière de mettre un terrein en nature
de bois, eft de nétoyer ce terrein, & de le bien cultiver
avant que de femer le gland ou les autres graines qui
doivent un jour le couvrir de bois, & je n’ai été défabufé
de ce préjugé qui paraît fr raifonnable, que par une
longue foite d’obfervations. J ’ai fait des femis confidé-
rables & des plantations affez vaftes, je les ai faites avec
précaution ; j ’ai fouvent fait arracher les genièvres, les
bruyères, & jufqu’aux moindres plantes que je regardois
comme nuifibles , pour cultiver à-fond & par plufieurs
labours les terreins que je voulois enfemencer; je ne
doutois pas du foccès d’un femis fait avec tous ces foins,
mais au bout de quelques années, j ’ai reconnu que ces
mêmes foins n’avoient fervi qu’à retarder l’accroiffement
de mes jeunes plants, & que cette culture précédente
qui m’avoit donné tant d’efpérance, m’avoit caufé des
pertes confidérables : ordinairement on dépenfe pour
acquérir, ici la dépenfe nuit à l’acquifition.
Si l ’on veut donc réufiir à frire croître du bois dans
un terrein de quelque qualité qu’il foit, il faut imiter la
Supplément. Tome IL M m