la plus complète par les expériences que je vais rapporter.
A u commencement de l’année 1 7 6 7 , on m’envoya
de la forge de la Nouée en Bretagne, fix tronçons de gros
canons coulés plein, pelant enlèmble cinq mille trois cents
cinquante-huit livres. L ’été fuivant je les fis conduire à
mes forges, & en ayant calfé les tourillons, j ’en trouvai
la fonte d’un alfez mauvais grain, ce que l’on ne pouvoit
chambrées à 18 & 20 pouces de
la volée, que quand même la mine
de Noyai pourroit le fondre fans
etre alliée avec une eipèce plus
chaude, la fonte qui en proviendrait
ne forait cependant pas d’une
nature propre à couler des canons
fo ra b les.
Le 4 avril 1765, pour foptième
& dernière expérience, M. Maritz
fit couler une neuvième pièce de
douze en trente-fix charges baffes,
& cotnpofo'es de onze mille huit
cents quatre-vingts livres de mine
de Noyai, de fept mille deux cents
livres deThine de Phlemet, & de
deux mille huit cents quatre-vingts
livres de mine des environs, en tout
vingt-un mille neuf ceijts foixante
livres de mine.
Après la coulée de cette dernière
pièce, les ouvrages des fourneaux
fo trouvèrent fi embarrallés, qu’on
fut obligé de mettre hors, & M.
Maritz congédia les fondeurs &
mouleurs qu’il avoit fait venir des
forges d’Angoumois.
Cette dernière pièce f e fo r a f a cilement,
en donnant une limaille
de belle couleur; mais lors du
forage il fo trouva des endroits
f i tendres i f f i peu condenfés, qu’il
parut plufieurs grelots de la grof-
four d’une noifotte qui ouvrirent
plufieurs chambres dans l’ame de
la pièce.
Je n’ai rapporté les faits contenus
dans cette note que pour prouver
que les auteurs de la pratique du
forage des canons, n’ont cherché
qu’a faire couler des fontes tendres;
& qu’ils ont par conft'quent fo-
crifié la matière à la forme, en
rejetant toutes les bonnes fontes
que leurs forets ne pouvoient entamer
aifoment, tandis qu’il fout
au contraire chercher la matière la
plus compaèle & la plus dure fi
l'on veut avoir des canons d’une
bonne réfiftance.
pas
pas reconnoître fur les tranches de ces morceaux, parce
qu ils avoient été fcies avec de l’émeril ou quelqu’autre
matière qui remplilfoit les pores extérieurs. Ayant pelé
cette fonte à la balance hydroftatique, je trouvai qu’elle étoit
trop légère, quelle ne pefoit que quatre cents foixante-une
livres le pied cube, tandis que celle que l ’on couloit alors
à mon fourneau en pefoit cinq cents quatre, & que quand
je la veux encore épurer, elle pèfe jufqu’à cinq cents
vingt livres le pied cube. Cette feule épreuve pouvoit
me fuffire pour juger de la qualité plus que médiocre de
cette fonte; mais je ne m’en tins pas-là. En 1 7 7 0 , fur
la fin de l’é té, je fis conftruire une chaufferie plus grande
que mes chaufferies ordinaires, pour y faire fondre &
convertir en fer ces tronçons de canon, & l’on en vint
a bout à force de vent & de charbon : je lés fis couler
en petites gueules , & après qu’elles furent refroidies j ’en
examinai la couleur & le grain en les faifànt caffer à la
maffe, j ’en trouvai, comme je m’y attendois, la couleur
plus grife & le grain plus fin ; la matière ne pouvoit manquer
de s épurer par cette féconde fufion, & en effet l ’ayant
portée a la balance hydroftatique, elle fè trouva peler
quatre cents foixante - neuf livres le pied cube ; ce qui
cependant n approche pas encore de la denfité requifè
pour une bonne fonte.
Et en effet ayant fait convertir en fer fucceffivement,
& par mes meilleurs ouvriers, toutes les petites gueules
refondues & provenant de ces tronçqns de canon, nous
n obtînmes que du fer d’une qualité très-commune, fans
Supplément. Tome IL N