252 H i s t o ir e Na t u r e l l e ,
l’humidité que les baliveaux jetoient fur le taillis, & à
l ’obftacle qu’ils formoient au delTéchement de cette
humidité, en interrompant i’aétion du vent & du Soleil.
Les arbres qui pouffent vigoureufement en bois,
produifent rarement beaucoup de fruit ; les baliveaux fe
chargent d’une grande quantité de glands, & annoncent
par-là leur foibleffe. On imagineroit que ce gland devroit
repeupler & garnir les bois, mais cela fo réduit à bien
peu de chofe, car de plufieurs millions de ces graines
qui tombent au pied des arbres, à peine en voit - on
lever quelques centaines, & ce petit nombre eft bientôt
étouffé par l’ombre continuelle & le manque d’air, 0x1
fupprimé par le dégouttement de l ’arbre, & par la gelée
qui eft toujours plus vive près de la furface de la terre,
ou enfin détruit par les obftacles que ces jeunes plantes
trouvent dans un terrein traverfé d’une infinité de racines
& d’herbes de toute efpèce ; on voit à la vérité quelques
arbres de brin dans les taillis, ces arbres viennent de
graines, car le chêne ne fe multiplie pas par rejetons
au loin, & ne pouffe pas de la racine ; mais ces arbres
de brin font ordinairement dans les endroits clairs des
bois, loin des gros baliveaux, & font dus aux mulots
ou aux oifoaux, qui, en tranljaortant les glands, en foment
une grande quantité. J ’ai lu mettre à profit ces graines
que les oifoaux laiffent tomber. J ’avois obfervé dans un
champ qui, depuis trois ou quatre ans, étoit demeuré
fans culture, qu’autour de quelques petits buiffons qui
s’y trouYoient fort loin les uns des antres, plufieurs petits
chênes avoient paru tout d’un cou p, je reconnus bientôt
par mes yeux, que cette plantation appartenoit à des
geais, qui en fortant des bois, yenoient d’habitude fe
placer fur ces buiffons pour manger leur gland, & en
laiffoient tomber la plus grande partie, qu’ils ne fe don-
noient jamais la peine de ramaffer. Dans un terrein que
j’ai planté dans la fuite, j’ai eu foin d’y meure de petits
buiffons, les oifoaux: s’en font emparés, & ont garni les
environs d’une grande quantité de jeunes chênes.
Il faut qu’il y ait déjà du temps qu’on ait commencé
à s’apercevoir du dépériffement des bois, puifqu’autre-
fois nos Rois ont donné des ordres pour leur confervation.
La plus utile de ces Ordonnances, efr celle qui établit
dans les bois des eccléfiaftiques & gens de main-morte,
laréferve du quart pour croître en futaie; elle eft ancienne
& a été donnée pour la première fois en 1 573 , confirmée
en 1 5 9 7 , & cependant demeurée fans exécution jufqu’à
l’année 1 669. Nous devons fouhaiter qu’on ne fe relâche
point à cet égard ; ces réferves font un fonds, un bien
réel pour l ’État, un bien de bonne nature, car elles ne
font pas fujettes aux défauts des baliveaux; rien n’a été
mieux imaginé, & on en auroit bien fonti les avantages,
fi jufqu’à préfent le crédit, plutôt que le befoin, n’en
eût pas difpofé. On préviendroit cet abus en fupprimant
l’ufage arbitraire des permiffions, & en établiffant un temps
fixe pour la coupe des réferves : ce temps feroit plus ou
moins long, félon la qualité du terrein, ou plutôt félon
la profondeur du fo l, car cette attention eft abfolument