L ’arbre en grofii fiant ne rompt pas le lien qui le ferre,
il fè forme feulement deux bourrelets, le plus gros au-
deflus & le moindre au-deflous de la petite corde, &
fbuvent dès la première ou la féconde année elle fe trouve
recouverte & incorporée à la fobftance même de l’arbre.
D e quelque façon qu’on intercepte donc la sève, on
elt fur de hâter les productions des arbres, fur - tout
l ’épanouiflement des fleurs & la produélion des fruits.
Je ne donnerai pas l ’explication de ce fait, on la trouvera
dans la Statique des Végétaux : cette interception de la
sève durcit aufli le bois, de quelque façon qu’on la fafle ;
& plus,elle efl grande, plus le bois devient dur. Dans les
arbres entièrement écorcés, l ’aubier ne devient fi dur que
parce qu’étant plus poreux que le bois parfait, il tire la
sève avec plus de force & en plus grande quantité ; l’aubier
extérieur la pompe plus puiffamment que l ’aubier intérieur;
tout le corps de l ’arbre tire jufqu’à ce que les tuyaux
capillaires fè trouvent remplis & obftrués ; il faut une plus
grande quantité de parties fixes de la sève pour remplir
la capacité des larges pores de l’aubier, que pour achever
d’occuper les petits interflices du bois parfait, mais tout
fè remplit à peu-près également ; & c ’eft ce qui fait que
dans ces arbres la diminution de la pefànteur & de la force
du bois, depuis le centre à la circonférence, efl bien
moins confidérable que dans les arbres revêtus de leur
écorce ; & ceci prouve en même temps que l’aubier de
ces arbres écorcés, ne doit plus être regardé comme un
bois imparfait, puifqu’il a acquis en une année ou deux,
par
par l ’écohcement, la folidité & la force qu’autrement il
n’auroit acquifè qu’en douze ou quinze ans ; car il faut à
peu-près ce temps dans les.meilleurs terreins, pour transformer
l ’aubier en bois parfait : on ne fera donc pas
contraint de retrancher l’aubier, comme on l’a toujours
fait jufqu’ic i, & de le rejeter, : on emploiera les arbres
dans toute leur grofleur, ce qui fait une différence pro-
digieufè, puifque l’on aura Souvent quatre folives dans un
pied d’arbre, duquel on n’auroit pu en tirer que deux:
un arbre de quarante ans, pourra Servir à tous les ufages
auxquels on emploie un arbre de Soixante ans; en un mot,
cette pratique aifée donne le double avantage d’augmenter
non - feulement la force & la folidité, mais encore le
volume du bois.
Mais, d ira -t-on , pourquoi l’Ordonnance a - t - e lle
défendu l’écorcement avec tant de Sévérité! n’y auroit-il
pas quelqu’inconvénient à le permettre, & cette opération
ne fait-elle pas périr les louches! il efl vrai qu’elle leur
fait tort; mais ce tort efl bien moindre qu’on ne l’imagine,
& d’ailleurs il n’efl que pour les jeunes Souches, & n’efl
fènfible que dans les taillis. Les vues de l ’Ordonnance
font jufles à cet égard, & fa levé rite efl fàge ; les marchands
de bois font écorcer les jeunes chênes dans les taillis,
pour vendre l’écorce qui s’emploie à tanner les cuirs ;
c ’efl-là le fèul motif de i’écorcement. Comme il efl plus
aile d’enlever l ’écorce lorfque l ’arbre efl for pied qu’après
qu’il efl abattu, & que de cette façon un plus petit nombre
d’ouvriers peut faire la même-quantité d’écorce, i’ufàge
Supplément. Tome JL C c