303 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
glands. Le bois de ces chênes reflemble fi fort à celui
du châtaigner par la texture & par la couleur, qu’on les
a pris l’un pour l’autre, c ’eft fur cette reffemblance qui
n’a pas été indiquée, qu’efl fondée l’opinion que les
charpentes de nos anciennes églifes font de bois de
châtaigner: j’ai eu occafion d’en voir quelques-unes,
& j’ai reconnu que ces bois prétendus de châtaigner,
étoient du chêne blanc à gros glands, dont je viens de
parler, qui étoit autrefois bien plus commun qu’il ne l ’eft
aujourd’hui, par une raifon bien fimpie; c ’efl qu’autrefois
avant que la France ne fût auffi peuplée, il exiftoit une
quantité bien plus grande de bois en bon terrein, & par
conféquent une bien plus grande quantité de ces chênes,
dont le bois reflemble à celui du châtaigner.
L e châtaigner affeéte des terreins particuliers, il ne
croît point ou vient mal dans toutes les terres dont le
fond efl de matière calcaire, il y a donc de très-grands
cantons & des provinces entières ou l ’on ne voit point
de châtaigners dans les bois, & néanmoins on nous
montre dans ces mêmes cantons des charpentes anciennes,
qu’on prétend être de châtaigner, St qui font
de Tefpèce de chêne dont jé viens de parler.
Ayant comparé le bois de ces chênes à gros glands,
au bois des chênes à petits glands dans un grand nombre
d’arbres du même âge, & depuis vingt-cinq ans jufqu’à
cent ans & au-deflus, j’ai reconnu que le chêne à gros
glands a conftamment plus de coeur & moins d’aubier
que le chêne à petits glands dansda proportion du double
au Ample; fi le premier n’a qu’un pouce d’aubier, fur
huit pouces de coeur, le fécond n’aura que fept pouces
de coeur, fur deux pouces d’àubier, St ainfi de toutes
les autres mefùres; d’où il réflilte une perte du double
lorfqu’on équarrit ces bois, car on ne peut tirer qu’une
pièce de fèpt pouces d’un chêne à petits glands, tandis
qu’on tire une pièce de huit pouces d’un chêne à gros
glands de même âge St de même grofleur. On ne peut
donc recommander aflez la confervation & le repeuplement
de cette belle efpèce de chênes , qui a fur l ’efpèce
commune le plus grand avantage d’un accroiflëment
plus prompt, St dont le bois efl: non - feulement plus
plein, plus fort, mais encore plus élaflique. Le trou fait
par une balle de moufquet dans une planche de ce chêne,
fe rétrécit par le reflort du bois de plus d’un tiers de
plus que dans le chêne commun, St c ’eft une raifon de
plüs de préférer ce bon chêne pour la conflruétion des
vaifleaux; le boulet de canon ne le feroit point éclater,
& les trous feroient plus aifés à boucher. En général *
plus les chênes croiflent vîte, plus ils forment de coeur
& meilleurs ils font pour le férvice, à grofleur égale ;
leur tiflu efl plus ferme que celui des chênes qui croiflent
lentement, parce qu’il y a moins de cloifons f moins de
féparation entre les couches ligneufes dans le même
efpace.