298 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
combes, s’y condenfent, & par ce froid humide oceafion-
nent la gelée ; tandis que fur les lieux plus élevés, les vents
divifent & chalfent les vapeurs nuifibles, & les empêchent
de tomber fur les arbres, ou du moins de s’y attacher
en auffi grande quantité & en auffi greffes gouttes. Il y
a de ces lieux bas où il gèle tous les mois de l’année,
auffi le bois n’y vaut jamais rien ; j ’ai quelquefois parcouru
en été la nuit à la chaffe ces différens pays de
bois, & je me fouviens parfaitement que ffir les lieux
élevés j’avois chaud, mais qu’auffitôt que je defcendois
dans ces combes un froid vif & inquiétant, quoique fans
vent, me faififfoit, de forte que fouvent à dix pas de
diflance on auroit cru changer de climat ; des Charbonniers
qui marchoient nus pieds, trouvoiënt la terre chaude
fur ces éminences, & d’une froidure infupportable dans
ces petits vallons. Lorfque ces combes fè trouvent fi tuées
de manière à être enfilées par les vents froids & humides
du nord-ouell, la gelée s’y fait fentir même aux mois de
juillet & d’août; le bois ne pept y croître, les genièvres
même ont bien de la peine à s’y maintenir, & ces combes
n’offrent, au lieu d’un beau taillis fèmblable à ceux qui
les environnent, qu’un efpace ftérile, qu’on appelle une
chaume, & qui diffère d’une friche, en ce qu’on peut
rendre celle-ci fertile par la culture, au lieu qu’on ne fait
comment cultiver ou peupler ces chaumes qui font au
milieu des bois. Les grains qu’on pourrait y femer, font
toujours détruits par les grands froids de l’hiver ou par
les gelées du printemps, il n’y a guère que le blé noir
P a r t i e e x p é r i m e n t a l e . 299
ou fàrazin qui puiffe y crôître, & encore le produit ne
vaut pas la dépenfo de la culture. Ces terreins refient donc
déferts, abandonnés, & font en pure perte. J ’ai une de
ces combes au milieu de mes bois, qui foule contient
cent cinquante arpens, dont le produit efl prefque nul.
Le foccès de ma plantation de pins, qui n’eft qu’à une
lieue de cette grande combe, m’a déterminé à y planter
des jeunes arbres de cette efpèce; je n’ai commencé que
depuis quelques années, je vois déjà par le progrès de
ces jeunes plants, que quelque jour cet efpace ftérile, de
temps immémorial, fera un bois de pins tout auffi fourni
que le premier que j ’ai décrit.
Y.
J ’a i fait écorcer fur pied des pins, des fàpins, &
d’autres efjpèces d ’arbres toujours verts, j ’ai reconnu
que ces arbres dépouillés de leur écorce, vivent plus
long-temps que les chênes auxquels on fait la même
opération, & leur bois acquiert de même plus de dureté,
plus de force & plus de folidité. Il ferait donc très-
utile de faire écorcer for pied les fàpins qu’on deftine
aux mâtures des vaiffeaux, en les laiffant deux, trois &
même quatre ans fécher ainfi for pied, ils, acquerront
une force & une durée bien plus grande que dans leur
état naturel. Il en eft de même de toutes les greffes
pièces de chêne que l’on emploie dans la conftruétion
des yaiffeaux, elles foraient plus réfiftantes, plus folides
& plus durables fi on les tirait d’arbres écorcés & féchés
for pied ayant de les abattre.
P p ij