juger à l ’infpéétion même de la coulée fi la fonte efl de
bonne qualité, car alors fa furface efl lilfe & ne porte
point d’écume ; mais dans tous ces cas il faut avoir foin
de comprimer la matière coulante par plufieurs torches
de paille placées dans les coulées ;,avec cette précaution
il ne paffe que peu d’écumes dans le moule , & fi la fonte
étoit denfe & compaéte, il n’y en auroit point du tout.
La bourre de la fonte ne vient ordinairement que de ce
qu’elle efl trop crue & trop précipitamment fondue;
d’ailleurs la matière la plus pefante fort la première du
fourneau, la plus légère vient la dernière; la culaffe du
canon efl par cette raifon toujours d’une meilleure matière
que les parties fùpérieures de la pièce ; mais il n’y
aura jamais de bourre dans le canon fi d’une part on arrête
les écumes par les torches de paille, & qu’en même temps
on lui donne une forte maffelote de matière excédante,
dont il efl même auffi néceffaire qu’utile, qu’il refie encore
après la coulée trois ou quatre quintaux en fufion dans le
creufet ; cette fonte qui refie y entretient la chaleur ; &
comme elle efl encore mêlée d’une affez grande quantité
de laitier, elle conferve le fond du fourneau, & empêche
la mine fondante de brûler en s’y. attachant.
Il me paroît qu’en France on a fbuvent fondu les
canons avec des mines en roche, qui toutes contiennent
une plus ou moins grande quantité de foufre ; & comme
l ’on n’efl pas dans l’ufàge de les griller dans nos provinces
où le bois efl cher, ainfi qu’il fè pratique dans les pays
du Nord où le bois efl commun, je préfume que la
qualité caffante de la fonte de nos canons de la marine,
pourroit auffi provenir de ce foufre qu’on n’a pas foin
d ’enlever à la mine avant de la jeter au fourneau de fufion.
Les fonderies de Ruelle en Angoumois, de Saint-Gervais
en Dauphiné & de Baigorry dans la baffe Navarre, font
les foules dont j ’aie connoiffance, avec celle de la Nouée
en Bretagne, dont j’ai parlé, & où je crois que le travail
efl ceffé : dans toutes quatre, je crois qu’on ne s’efl fervi
& qu’on ne fe fort encore que de mine en roche, & je
n’ai pas ouï dire qu’on les grillât ailleurs qu’à Saint-
■ Gervais & à Baigorry; j ’ai tâché de me procurer des
échantillons de chacune de ces mines, & au défaut d’une
affez grande qüantité de ces échantillons, tous les ren-
fêignemens que j ’ai pu obtenir par la voie de quelques
amis intelligens. Voici ce que m’a écrit M. de Morogues
au fujet des mines qu’on emploie à Ruelle.
« La première efl dure, compaéte, pefante, faifànt feu
avec l ’acier, de couleur rouge-brun, formée par deux «■
couches d’inégale épaiffeur, dont l ’une efl fpongieufo, «
parfemée de trous ou cavités, d’un velouté violet-foncé, «
& quelquefois d’un bleu indigo à fà caffure, ayant des «
mamelons, teignant en rouge de fànguine ; caraétères qui «
peuvent la faire ranger dans la foptième claffe de l’art des «
forges, comme une efpèce de pierre hématite, mais elle «'
efl riche & douce. ■ «
La féconde reffemble affez à la précédente pour la «
pefanteur, la dureté & la couleur, mais elle efl un peu «
falardée (on appelle falard ou mine falardée, celle qui a «
O ij