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année eft plus grand que celui de la fécondé ; ainfi l’accroif-
fement du bois augmente jufqu a un certain âge, apres
quoi il diminue; c’eft ce point, ce maximum, qu’il faut
laifir pour tirer de fon taillis tout 1 avantage & tout le
profit pofiible. Mais comment le reconnoître, comment
s’aflurer de cet inftant ! il n’y a que des expériences faites
en grand, des expériences longues <5c pénibles, des expériences
telles que M. de Reaumur les a indiquées, qui
puifient nous apprendre l’âge où les bois commencent
à croître de moins en moins ; ces expériences confident
à couper & pefer tous les ans le produit de quelques
arpens de bois, pour comparer l’augmentation annuelle,
& reconnoître au bout de plufieurs années l ’âge où elle
commence à diminuer.
J ’ai fait plufieurs autres remarques fur la confervation
des bois, <5c fur les changemens qu’on devroit faire aux
Règlemens des forêts, que je fopprime comme n ayant
aucun rapport avec des matières de Phyfique : mais je
ne dois pas paffer fous filence ni ceffer de recommander
le moyen que j’ai trouvé d’augmenter la force «Sc la folidité
du bois de fervice, «5c que j ’ai rapporté dans le premier
article de ce Mémoire; rien n’eft plus fimple, car il ne
s’agit que d’écorcer les arbres, «Sc les laiffer ainfi fécher
& mûrir fur pied avant que de les abattre. L ’aubier
devient, par cette opération, auffi dur que le coeur de
chên e,'il augmente confidérablement de force «St de
denfité, comme je m’en fuis alfuré par un grand nombre
d’expériences, & les fouches de ces arbres écorcés &
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féchés for pied > ne laiffent pas que de repouffer «St de
reproduire des rejetons ; ainfi il n’y a pas le moindre
inconvénient à établir cette pratique, qui, en augmentant
la force & la durée du bois mis en oeuvre, doit en diminuer
la confommation, & par conféquent doit être mife au
nombre des moyens de conforver les bois. Venons maintenant
a ceux qu’on doit employer pour les renouveler.
C e t objet n’eft pas moins important que le premier,
combien y a-t-il dans le royaume de terres inutiles, de
landes, de bruyères, de communes qui font abfolument
ftériles ! la Bretagne, le Poitou, la Guyenne, la Bourgogne,
la Champagne, «5c plufieurs autres provinces ne contiennent
que trop de ces terres inutiles ; quel avantage pour
l’État fi on pouvoit les mettre en valeur ! la plupart de
ces terreins étoient autrefois en nature de bois, comme
je l’ai remarqué dans plufieurs de ces cantons deferts,
où l’on trouve encore quelques vieilles fouches prefque
entièrement pourries. Il eft à croire qu’on a peu à peu
dégradé les bois de ces terreins, comme on dégrade
aujourd’hui les communes de Bretagne, «5c que par la
focceffion des temps on ies a abfolument dégarnis. Nous
pouvons donc raifonnablement eipérer de rétablir ce que
nous avons détruit. On n’a pas de regret avoir des rochers
nus , des montagnes couvertes de glace ne rien produire ;
mais comment peut-on s’accoutumer à fouffrir au milieu
des meilleures provinces d’un royaume, de bonnes terres
en friches, des contrées entières mortes pour 1 État! je
dis de bonnes terres, parce que j’ en ai vu & j en ai fait
K k ij