C ’efl cette même abondance de sève qui fait que
l ’aubier le transforme plutôt en bois, c ’eft d’elle dont
dépend l ’épaiffeur relative du bois parfait avec l ’aubier
dans les différens terreins & dans les diverfès efpèces,
car l’aubier n’ eft autre chofè qu’un bois imparfait, un
bois moins denfe, qui a befbin que la sève le traverfè,
& y dépofe des parties fixes pour remplir fès pores, &
le rendre femblable au bois ; la partie de l’aubier dans
laquelle la sève paffera en plus grande abondance, fera
donc celle qui Te transformera plus promptement en bois
parfait, & cette transformation doit, dans les mêmes
efpèces, fùivre la qualité du terrein.
E x p é r i e n c e s .
M. de Buffon a fait fcier plufieurs chênes à deux ou
trois pieds de terre, & ayant fait polir la coupe avec la
plane, voici ce qu’il a remarqué :
Un chêne âgé de quarante-fix ans environ, avoit
d’un côté quatorze couches annuelles d’aubier, & du
côté oppofé il en avoit vingt; cependant les quatorze
couches étoient d’un quart plus épaiffes que les vingt
de l’autre côté.
Un autre chêne qui paroiffok du même âge, avoit
d’un côté fèize couches d’aubier, & du côté oppofé il
en avoit vingt-deux ; cependant les feize couches étoient
d’un quart plus épaiffes que les vingt-deux.
Un autre chêne de même âge, ayoit d’un côté vingt
couches d’aubier, & du côté oppofé il en avoit vingt-
quatre; cependant les vingt couches étoient d’un quart
plus épaiffes que les vingt-quatre.
Un autrè chêne de même âge, avoit d’un côté dix
couches d’aubier, & du côté oppofé il en avoit quinze ;
cependant les dix couches étoient d’un fixième plus
épaiffes que les quinze.
Un autre chêne de même âge, avoit d’un côté quatorze
couches d’aubier, & de l’autre vingt-une ; cependant les
quatorze couches étoient d’une épaiffeur prefque double
de celles des vingt-une.
Un chêne de même âge, avoit d’un côté onze couches
d’aubier, & du côté oppofé il en avoit dix-fept ; cependant
les onze couches étoient d’une épaiffeur double de celles
des dix-fept.
Il a fait de fèmblables obfervations fur les trois efpèces
de chênes qui fè trouvent le plus ordinairement dans les
forêts, & il n’y a point aperçu de différence.
Toutes ces expériences prouvent que l ’épaiffeur de
l’aubier efl d’autant plus grande que le nombre des
couches qui le forment efl plus petit. C e fait paroît fin-
gulier, l’explication en eft cependant aifée. Pour la rendre
plus claire, fuppofons pour un inftant qu’on ne laiffe à un
arbre que deux racines, l ’une à droite, double de celle
qui efl à gauche; fi on n’a point d’attention à la communication
latérale de la sève , le côté droit de l’arbre recevroit
une fois autant de nourriture que le côté gauche ; les