rapporte dans fon Traité des forêts, que le Doéleur Plot,
a dure dans fon Hifloire Naturelle, qu’autour de Haffon
en Angleterre, on écorce les gros arbres fur pied dans le
temps de la sève, qu’on les laide fécher jufqu’à l’hiver
fuivant, qu’on les coupe alors ; qu’ils ne lailfent pas que
de vivre fans écorce, que le bois en devient bien plus dur,
& qu’on fo fert de l ’aubier comme du coeur. Ces faits font
allez précis, & font rapportés par des Auteurs d’un affez
grand crédit, pour avoir mérité l ’attention des Phyficiens,
& même des Archite&es ; mais il y a tout lieu de croire
qu outre la négligence qui a pu les empêcher jufqu’ici de
s aflurer de la vérité de ces faits, la crainte de contrevenir
a 1 Ordonnance des eaux & forêts, a pu retarder leur
curiofité. Il eft défendu, fous peine de grolfes amendes,
d écorcer aucun arbre & de le laiffer lécher for pied ; cette
defenfo, qui d ailleurs ell fondée, a dû faire un préjugé
contraire, qui làns doute aura lait regarder ce que nous
venons de rapporter comme des faits faux, ou du moins
hafàrdés ; & je ferois encore moi-même dansTignorance
à cet egard, fi les attentions de M. le comte de Maurepas,
pour les Sciences, ne m’eufîènt procuré la liberté de faire
mes expériences, làns avoir à craindre de les payer trop
cher.
Dans un bois taillis nouvellement abattu, & où j’av'ois
fait réfèrver quelques beaux arbres, le .3 de mai 1 7 3 3 ,
j ai fait ecorcer for pied quatre chênes d’environ trente
à quarante pieds de hauteur, & de cinq à fix pieds de
pourtour, ces arbres étoient tous quatre très-vigoureux,
bien en sève, & âgés d’environ foixante-dix ans; j ’ai fait
enlever l’écorce depuis le fommet de la tige jufqu’au pied
de l’arbre avec une ferpe. Cette opération eft aifée,
l’écorce fe féparant très - facilement du corps de l ’arbre
dans le temps de la sève. Ces chênes étoient de l ’efpèce
commune dans les forêts, qui porte le plus gros gland.
Quand ils furent entièrement dépouillés de leur écorce,
je fis abattre quatre autres chênes de la même efpèce
dans le même terrein, & aulfi femblables aux premiers que
je pus les trouver. Mon delfein étoit d’en faire écorcer
le même jour encore fix , & en abattre fix autres, mais
je ne pus achever cette opération que le lendemain : de
ces fix chênes écorcés, il s’en trouva deux qui étoient
beaucoup moins en sève que les quatre autres. Je fis
conduire fous un hangar les fix arbres abattus, pour les
laifler fécher dans leur écorce jufqu’au temps que j’en
aurois befoin, pour les comparer avec ceux que j’avois
fait dépouiller. Comme je m’imaginois que cette opération
leur avoit fait grand tort, & qu’elle devoit produire
un grand changement, j ’allai plufieurs jours de fuite, vifiter
très-curieufement mes arbres écorcés , mais je n’aperçus
aucune altération fènfible pendant plus de deux mois.
Enfin le 1 o de juillet, l’un de ces chênes , celui qui étoit
le moins en sève dans le temps de i’écorcement, laifla
voir les premiers fymptômes de la maladie qui devoit
bientôt le détruire. Ses feuilles commencèrent à jaunir du
côté du midi, & bientôt jaunirent entièrement, féchèrent
& tombèrent, de forte qu’au 26 août il ne lui en reftoit
A a ij