L ’année d’après, j’ai obfervé avec grande attention
l ’état de ma plantation, & j’ai reconnu que dans le canton
dont j ’efpérois le plus, & que j’avois fait labourer trois
fois, & femer avant l’hiver, la plus grande partie des
glands n’avoient pas levé, les pluies de l’hiver avoient
tellement battu & corroyé la terre, qu’ils n’avoient pu
percer, le petit nombre de ceux qui avoient pu trouver
ilfue, n’avoit paru que fort tard, environ à la fin de juin ;
ils étoient foibles, effilés, la feuille étoit jaunâtre, lan-
guiffante, & ils étoient fi loin les uns des autres, le canton
étoit fi peu garni, que j’eus quelque regret aux foins qu’ils
avoient coûtés. Le canton qui n’avoit eu que deux labours,
& qui avoit auffi été femé avant l ’hiver, reffembioit aflèz
au premier, cependant il y avoit un plus grand nombre
de jeunes chênes, parce que la terre étant moins divifée
par le labour, la pluie n’avoit pu la battre autant que
celle du premier canton. L e troifième qui n’avoit eu
qu’un foui labour, étoit par la même raifon un peu
mieux peuplé que le fécond, mais cependant il l’étoit
fi mal, que plus des trois quarts de mes glands avoient
encore manqué.
Cette épreuve me fit connoître que dans les terreins
forts & mêlés de glaifo, il ne faut pas labourer & fomer
avant l’hiver; j’en lus entièrement convaincu, en jetant
les yeux fur les autres cantons. Ceux que j’avois fait
labourer & fomer au printemps, étoient bien mieux garnis ;
mais ce qui melurprit, c ’efl que les endroits où j’avois
fait planter le gland à la pioche, fans aucune culture
précédente,
P a r t i e e x p é r i m e n t a l e . 265
précédente, étoient confidérabiement plus peuplés que
les autres ; ceux même où l ’on n’avoit fait que cacher
les glands fous l’herbe, étoient affez bien fournis, quoique
les mulots, les pigeons ramiers, & d’autres animaux en
euffent emporté une grande quantité. Les cantons où les
glands avoient été fomés à fix pouces de profondeur, fo
trouvèrent beaucoup moins garnis que ceux où on les
avoit Élit femer à un pouce ou deux de profondeur. Dans
un petit canton où j ’en avois fait fomer à un pied de
profondeur, il n’en parut pas un , quoique dans un autre
endroit où j’en avois fait mettre à neuf pouces, il en
eût levé plufieurs. Ceux qui avoient été trempés pendant
huit jours dans la lie-de-vin & dans l ’égoût du fumier,
fortirent de terre plutôt que les autres. Prefque tous les
arbres gros & petits que j’avois fait tirer de mes taillis,
ont péri à la première ou à la féconde année, tandis
que ceux que j’avois tirés de mes pépinières ont prefque
tous réuffi. Mais ce qui me donna le plus de fàtisfaélion,
ce fut le canton où j’avois fait planter au printemps les
glands que j’avois fait auparavant germer dans de la terre,
il n’en avoit prefque point manqué ; à la vérité ils ont
levé plus tard que les autres, ce que j ’attribue à ce qu’en
les tranfoortant ainfi tous germés,, on caffia la radicule
de plufieurs de ces glands.
Les années fuivantes n’ont apporté aucun changement
à ce qui s’efl annoncé dès la première année. Les jeunes
chênes du canton labouré trois fois , font demeurés
toujours un peu au-deffous des autres; ainfi je crois
Supplément. Tome I I . L 1