
 
		L ’autre  pièce de  quarante arpens  dont  j ’ai  parlé,  étoit  
 avant  ia  plantation  compofée  de vingt  arpens  d’un  terrein  
 net &  bien  cultivé,  &   de  vingt  autres  arpens  en friche &  
 recouverts  d’un  grand  nombre  de  genièvres &  d’épines  ;  
 j ’ai faitfemer en même  temps  la plus grande  partie  de  ces  
 deux  terreins,  mais  comme  on  ne  pouvoit  pas  cultiver  
 celui qui  étoit  couvert  de  genièvres,  je me  fitis  contenté  
 d ’y faire  jeter  des  glands  à  la main  fous les  genièvres,  &  
 j ’ai fait mettre dans les places  découvertes , le gland fous  le  
 gazon  au  moyen  d’un  foui  coup  de  pioche;  on  y  avoit  
 même  épargné  la graine  dans l’incertitude du foccès, & je  
 l ’avois  fait prodiguer dans  le terrein  cultivé.  L ’évènement  
 a  été  tout  différent  de  ce  que  j ’avois  penfé,  le  terrein  
 découvert  &  cultivé  fo  couvrit  à  la première  année  d’une  
 grande  quantité  de  jeunes  chênes,  mais  peu  à  peu  cette  
 quantité  a  diminué,  &  elle  foroit  aujourd’hui  prefque  
 réduite à rien,  fans  les  foins  que je me fois donné pour  en  
 conforver le refie.  Le terrein  au contraire qui étoit couvert  
 d’épines & de genièvres,  efl  devenu  en  neuf ans un  petit  
 bois, où les jeunes chênes fo  font  élevés à  cinq à fix pieds  
 de  hauteur.  Cette  obforvation  prouve  encore  mieux  que  
 la  première,  combien l’abri efl néceffaire à la  conforvation  
 & à  l’accroiffement  des  jeunes  plants,  car  je n’ai  conforvé  
 ceux  qui  étoient  dans  le  terrein  trop  découvert,  qu’en  
 plantant  au  printemps  des  boutures  de  peupliers  &  des  
 épines,  qui,  après  avoir  pris  racine,  ont  fait  un  peu  de  
 couvert,  &  ont  défendu  les  jeunes  chênes  trop  foibles  
 pour  réfifter  par  eux-mêmes  à  la  rigueur  des  fàifons. 
 Pour  convertir  en  bois  un  champ ou tout autre  terrein  
 cultivé,  le  plus  difficile  efl  donc  de  faire  du  couvert.  
 Si  l’on  abandonne  un  champ,  il  fout  vingt  ou  trente ans  
 à la Nature pour y foire croître  des  épines & des bruyères ;  
 ici  il  fout  une  culture  qui  dans  un  an  ou  deux,  puiffe  
 mettre  le  teVrein  au  même  état  où  il  fo  trouve  après  une  
 non-culture  de  vingt  ans. 
 J ’ai  fait  à  ce  fojet différentes  tentatives,  j ’ai  fait  fomer  
 de  l’épine,  du  genièvre  &  plufieurs  autres  graines  avec  
 le  gland,  mais  il  faut  trop  de  temps  à  ces  graines  pour  
 lever  &  s’élever ;  la  plupart  demeurent  en  terre  pendant  
 deux  ans,  &  j’ai  auffi  inutilement  effayé  des  graines  qui  
 me  paroiffoient  plus  hâtives,  il  n’y  a  que  la  graine  de  
 marfoau  qui  réuffiffe  &   qui  croiffe  affez  promptement  
 fans  culture :  mais  je n’ai  rien  trouvé  de  mieux  pour foire  
 du couvert,  que de planter  des  boutures  de  peuplier,  ou  
 quelques  pieds  de  tremble  en  même  temps  qu’on  sème  
 le  gland  dans  un  terrein  humide;  &  dans  des  terreins  
 focs,  des  épines,  du  foréau  &  quelques  pieds  de  fumach  
 de  Virginie ;  ce  dernier  arbre  for-tout,  qui  eft  à  peine  
 connu  des  gens  qui  ne  font pas Botanifles,  fo  multiplie  
 de  rejetons avec une  telle facilité,  qu’il fuffira d’en mettre  
 un  pied  dans  un  jardin  pour  que  tous  les  ans  on  puiffe  
 en  porter  un  grand  nombre  dans  fes  plantations,  &  les  
 racines  de  cet  arbre  s’étendent  fi  loin,  qu’il  n’en  faut  
 qu’une  douzaine  de  pieds  par  arpent,  pour  avoir  du  
 couvert  au  bout  de  trois  ou  quatre  ans  .  on  obforvera  
 feulement  de  les  faire  couper  jufqu’à  terre  à  la  fécondé