Qj i H i s toire Na t u r e l l e .
années qui fe font écoulées depuis 1709 , non-feulement
parce qu’on ne peut jamais avoir par le nombre des
couches ligneufes, l’âge des arbres qu’à trois ou quatre
années près, mais encore parce que les premières couches
ligneufes qui fe font formées depuis 1709, étoient fi
minces & fi confufes, qu’on ne peut les diftinguer bien
exactement.
Il efl encore fur, que c ’efl la portion de l’arbre qui
étoit en aubier dans le temps de la grande gelée de 1709,
qui au lieu de fe perfectionner & de le convertir en
bois, efl au contraire devenue plus défectueufe; on n’en
peut pas douter après les expériences que M. de Buffon
a faites pour s’affurer de la qualité de ce faux aubier.
D ’ailleurs, il e t plus naturel de penfer que 1 aubier
doit plus fouffrir des grandes gelées que le bois forme,
non-feulement parce qu’étant à l’extérieur de 1 arbre, il
e t plus expofé au froid, mais encore parce qu’il contient
plus de sève, & que les fibres font plus tendres & plus
délicates que celles du bois. Tout cela paroît d abord
fouffrir peu de difficulté , cependant on pourrait objecter
l ’obfervation rapportée dans l ’hiftoire de l’Academie,
année 17 10 , par laquelle il paroît qu’en 1709 les jeunes
arbres- ont mieux fupporté le grand froid que les vieux
arbres ; mais comme le fait que nous venons de rapporter
efl certain, il faut bien qu’il y ait quelque différence entre
les parties organiques, les vaiffeaux, les fibres, les véfi-
cules, &c. de l’aubier des vieux arbres & de celui des
jeunes: elles feront peut-être plus fouples, plus capables
de prêter dans ceux - ci que dans les vieux, de telle
forte, qu’une force qui fera capable de faire rompre les
unes, ne fera que dilater les autres. A u refie, comme
ce font là des chofes que les yeux ne peuvent apercevoir
, & dont l’efprit refie peu fatisfàit, nous pafferons
plus légèrement fur ces conjectures , & nous nous contenterons
des faits que nous avons bien obfervés. Cet aubier
a donc beaucoup fouffert de la gelée, c ’eft une chofe
inconteflable, mais a-t-il été entièrement déforganifé! il
pourrait l’être fans qu’il s’en fût fuivi la mort de l ’arbre,
pourvu que l’écorce fût refiée faine, la végétation aurait
pu continuer. On voit tous les jours des faules & des
ormes qui ne fubfiflent que par leur écorce ; & la même
chofe s’efl vue long-temps à la pépinière du Roule fur
un oranger qui n’a péri que depuis quelques années.
Mais nous ne croyons pas que le faux aubier dont
nous parlons foit mort, il m’a toujours paru être dans
un état bien différent de l’aubier qu’on trouve dans les
arbres qui font attaqués de la gelivure entrelardée, &
dont nous parlerons dans un moment ; il a auffi paru de
même à M. de Buffon, lorfqu’il en a fait faire des foliveaux
& des cubes, pour les expériences que nous avons
rapportées ; & d’ailleurs s’il eût été déforganifé, comme
il s’étend fur toute la circonférence des arbres, il auroit
interrompu le mouvement latéral de la sève, & le bois
du centre qui fè ferait trouvé recouvert par cette enveloppe
d’aubier mort, n’auroit pas pu végéter, il ferait
mort auffi, & fe feroit altéré, ce qui n’elt pas arrivé,