de coulees en coulées, jufqu’à ce qu’on parvienne au point
d’en mettre la plus grande quantité qu’on pui/Te employer
fans gâter fa fonte. C ’eft ici le point eflentiel, & auquel
tous les gens de cet art manquent par raifon d’intérêt:
comme ils ne cherchent qu’à faire la plus grande quantité
de fonte, fans trop fe foucier de la qualité ; qu’ils payent
meme leur fondeur au millier, & qu’ils en font d’autant
plus contens, que cet ouvrier coule plus de fonte toutes les
vingt-quatre heures ; ils ont coutume de faire charger le
fourneau d’autant de mine qu’il peut en fopporter fans
s’obflruer ; & par ce moyen au lieu de quatre cents milliers
de bonne fonte qu’ils feroient en quatre mois, ils en font
dans ce même eipace de temps cinq ou fix cents milliers.
Cette fonte toujours très-caffante & très-blanche, ne peut
produire que du fer très-médiocre ou mauvais ; mais comme
le débit en eft plus alluré que celui du bon fer qu’on ne
peut pas donner au même prix, & qu’il y a beaucoup
plus à gagner, cette mauvailè pratique s’efl introduite dans
prefque toutes les forges, & rien n’eft plus rare que les
fourneaux où l’on fait de bonnes fontes. On verra dans
le Mémoire fliivant, où je rapporte les expériences que j’ai
faites au fùjet des canons de la marine, combien les bonnes
fontes font rares, puifque celles même dont on fo fort pour
les canons, n’efl pas à beaucoup près d’une auffi bonne
qualité qu’on pourroit & qu’on devroit la faire.
Il en coûte à peu - près un quart de plus pour faire
de la bonne fonte que pour en faire de la mauvailè ; ce
quart, que dans la plupart de nos provinces, on peut
P a r t i e e x p é r i m e n t a l e . 7 ^
évaluer à dix francs par millier, produit une différence
de quinze francs for chaque millier de fe r , & ce bénéfice
qu’on ne fait qu’en trompant le public, c ’eft-à-dire , en
lui donnant de la mauvaife marchandife, au lieu de lui
en fournir de la bonne, fe trouve encore augmenté de
près du double par la facilité avec laquelle ces mauvaifos
fontes coulent à l ’aifinerie, elles demandent beaucoup
moins de charbon & encore moins de travail pour être
converties en fer ; de forte qu’entre la fabrication du bon
fer & du mauvais fe r , il fe trouve néceffairement, &
tout au moins une différence de vingt-cinq francs. Et
néanmoins dans le commerce, tel qu’il efl aujourd’hui
& depuis plufieurs années, on ne peut efpérer de vendre
le bon fer que dix francs tout au plus au-deffus du
mauvais ; il n’y a donc que les gens qui veulent bien,
pour l’honneur de leur manufacture, perdre quinze francs
par millier de fer, c ’eft-à-dire, environ deux mille écus
par an, qui faffent de bon fer. Perdre, c ’e ft -à -d ire ,
gagner moins ; car avec de l ’intelligence, & en fe donnant
beaucoup de peine, on peut encore trouver quelque
bénéfice en fàifànt du bon fer, mais ce bénéfice eft fi
médiocre, en comparaifon du gain qu’on fait for le fer
commun, qu’on doit être étonné qu’il y ait encore quelques
manufactures qui donnent du bon fer. En attendant
qu’on réforme cet abus, foivons toujours notre objet; fi
l ’on n’écoute pas ma voix aujourd’hui, quelque jour on
y obéira en confultant mes écrits, & l’on fera fâché
d avoir attendu fi long - temps à faire un bien qu’on
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