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années. Mais j ’ai remarqué dans un autre endroit o'ù
la terre eft extrêmement forte & dure, qu’ayant lait
couper à la fécondé année mes jeunes plants, parce
qu’ils étoient languilfans, cela n’a pas empêché qu’au
bout de quatre autres années on n’ait été obligé de les
couper une fécondé fois, & je vais rapporter une autre
expérience qui fera voir la néceffité de couper deux fois
dans de certains cas.
J ’ai fait planter, depuis dix ans, un nombre très-confi-
dérable d’arbres de plufieurs efpèces, comme des ormes,
des frênes, des charmes, &c. La première année tous
ceux qui reprirent, poufsèrent alfez vigoureufement ; la
fécondé année ils ont pouffé plus foiblement; la troifième
année plus languiffamment ; ceux qui me parurent les plus
malades, étoient ceux qui étoient les plus gros & les
plus âgés lorfque je les fis tranfplanter. Je voyois que
la racine n’avoit pas la force de nourrir ces grandes tiges,
cela me détermina à les faire couper ; je fis faire la même
opération aux plus petits les années fuivantes, parce que
leur langueur devint telle, que fans un prompt fecours,
elle ne laiffoit plus rien à efpérer ; cette première coupe
renouvela mes arbres & leur donna beaucoup de vigueur,
fur-tout pendant les deux premières années, mais à la
troifième je m’aperçus d’un peu de diminution dans
l ’accroiffement ; je l’attribuai d’abord à la température
des faifons de cette année, qui n’avoit pas été auffi
favorable que celle des années précédentes ; mais je
reconnus clairement pendant l ’année fuivante, qui fut
heureufe pour les plantes, que le mal n’avoit pas été
caufé par la feule intempérie des faifons ; l’accroiffement
de mes arbres continuoit à diminuer, & aurait toujours
diminué, comme je m’en fuis affuré en laiffant fur pied
quelques-uns d’entr’eux, fi je ne les avois pas fait couper
une fécondé fois. Quatre ans fe font écoulés depuis cette
féconde coupe, fans qu’il y ait eu de diminution dans l’ac-
croiffement, & ces arbres qui font plantés dans un terrain
qui eft en friche depuis plus de vingt ans, & qui n ’ont
jamais été cultivés au pied, ont autant de force, & la feuille
auffi verte que des arbres de pépinière : preuve évidente que
Ja coupe faite à propos peut fuppléer à toute autre culture.
Les auteurs d’AgricuIture font bien éloignés de penfér
comme nous fur ce fujet ; ils répètent tous les uns après
les autres, que pour avoir une futaie, pour avoir des
arbres d’une b^lle venue, il faut bien fe garder de couper
le fommet des jeunes plants, & qu’il faut confèrver avec
grand foin le montant, c ’eft-à-dire, le jet principal. C e
confeil n’eft bon que dans de certains cas particuliers ;
mais il eft généralement vrai, & je puis l’affurer après
un très-grand nombre d’expériences, que rien n’eft plus
efficace pour redreffer les arbres, & pour leur donner
une tige droite & nette, que la coupe faite au pied. J ’ai
meme obfervé fouvent que les futaies venues de graines
ou de jeunes plants, n’étoient pas fi belles ni fi droites
que les futaies venues fur les jeunes louches ; ainfi on
ne doit pas héfiter à mettre en pratique cette efpèce de
culture fi facile & fi peu coûteufe.