fucceffivement la fonte de deux ou trois fourneaux, placés
de manière que les trois ruiifeaux de fonte pouvoient
arriver en même temps dans le moule.
Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour fentir que
cette pratique eft mauvaife ; il eft impoffible que la fonte
de chacun de ces fourneaux foit au même degré de
chaleur, dé pureté, de fluidité ; par conféquent le canon
fe trouve compofé de deux ou trois matières différentes
en forte que plufieurs de fés parties, & fouvent un côté'
tout entier fe trouve néceflairement d’une matière moins
bonne & plus foibie que le refte, ce qui eft le plus grand
de tous les inconvéniens en fait de réfiftance , puifque
l ’effort de la poudre agiflant également de tous côtés , ne
manque jamais de fe faire jour par le plus foibie. Jè voulus
donc effayer & voir en effet s’il y avoit quelque danger à
tenir pendant plus de temps qu’on ne le fait ordinairement ,
une plus grande quantité de matière en fufion : j ’attendis,
pour cela que le creufét de mon fourneau, qui avolt i 8
pouces de largeur, fur 4, pieds de longueur & 18 pouces
dé hauteur, fût encore élargi par l ’aétion du feu, homme
cela arrive toujours vers la lin du fondage ; j ’y laiffai
amaffer de la fonte pendant trente-fix heures , il n’y eut ni
explofion ni autre bouillonnement que ceux qui arrivent
quelquefois quand il tombe des matières crues dans le
creufct- je fis couler après les trente-fix heures, & l ’on
eut trois gueufes, pefant enfemble quatre mille fix, cents
livres, d’une très-bonne fonte.
'Par une fécondé expérience, j ’ai gardé la fonte pendant
quarante - huit heures fans aucun inconvénient; ce long
féjour ne fait que la purifier davantage, & par conféquent
'en diminuer le volume en augmentant la maffe; comme
la fonte contient une grande quantité de parties hétérogènes,
dont les unes fe brûlent & les autres fe convertiffent
en verre, l’un des plus grands moyens de la dépurer, eft
de la laiffer féjourner au fourneau.
M ’étant donc bien affuré que lp préjugé de.la néceftïté
de deux ou trois fourneaux, . étoit .très - mal fondé, je
propofài de réduire à un feuTlés fourneaux de Ruelle en
Angoumois (b ), o\x l’on fond nos gros canons ; ce confeil
futftiivi & exécuté par ordre du Miniftreï; on fondit fans
inconvénient & avec tout fttccès, à un féul fourneau,
des canons de vingt-quatre, & je ne fais fi l’on ri’a pas
fondu depuis des canons de trente-dix, car j’ai tout lieu
de préfiimer qu’on réufliroit également. C e premier point
'une fois obtenu, je cherchai s’il n’y:avoit pas .encore
( b ) Voici fextrait de cette
propofition faite au Minillre.
Comme- les canons de gros
calibre, tel que ceux de trente-fix
& de vingt-quatre, fuppoleut un
grand volume de fer en fufion, on '
fe fert ordinairement de'trois, ou
tout au moins de deux fourneaux
pour les couler. La mine, fondue
dans chacun de ces fourneaux
arrive dans Je moitié par autant de
ruiifeaux particuliers. Or, Cetté
pratique me paroît avoir les pius :
grands inconvéniens , car il eft certain
que chacun de ces fourneaux
donne une fonte de différente efi-
pèce, en forte que leur mélange
ne peut fo faire d’une manière
intime ni même en approcher.
Pour le Voir clairement, ne fup-
pofons que deux fourneaux, Sc
quela fonte de l’un arrive à droite,
& la fonte de l’autre arrive à gauche
dans le moule du canon; il eft
certain que l’une de ces deux fontes
étant ou plus pelante, ou plu»