3 3 4 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
comme le prouve l'expérience de M. de Buffon , que je
pourrois confirmer par plufieurs que j'ai exécutées avec
foin, mais dont je ne parlerai pas pour le préfent, parce
qu’elles ont été laites dans d’autres vues; cependant on
ne conçoit pas aifément comment cet aubier a pu être
altéré au point de ne pouvoir fr convertir en bois, &
que bien loin qu’il foit mort, il ait même été en état
de fournir de la sève aux couches ligneufes qui fe font
formées par-delfus dans un état de perfection, qu on
peut comparer aux bois des arbres qui n’ont fouffert
aucun accident. Il faut bien cependant que la chofe fe
foit palfée ainfi, & que le grand hiver ait caufé une maladie
incurable à cet aubier ; car s’il étoit mort aulfi-bien que
l ’écorce qui le recouvre, il n’elt pas douteux que l’arbre
aurait péri entièrement ; c ’eft ce qui eft arrivé en 1709
à plufieurs arbres dont l’écorce s’eft détachée, qui par
un relie de sève qui étoit dans leur tronc, ont pouffé
au printemps, mais qui font morts d’épuifrment avant
l ’automne, faute de Recevoir affez de nourriture pour
fobfifter.
Nous avons trouvé de ces faux aubiers qui étoient
plus épais d’un côté que d’un autre, ce qui s’accorde
à merveille avec l’état le plus ordinaire de l ’aubier. Nous
en avons auffi trouvé de très-minces, apparemment qu’il
n’y avoit eu que quelques couches d’aubier d’endom-
magées. Tous ces faux aubiers ne font pas de la même
couleur, & n’ont pas fouffert une altération égale, ils
ne font pas auffi mauvais les uns que les autres, & cela
s’accorde à merveille avec ce que nous avons dit plus
haut. Enfin nous avons foit fouiller au pied de quelques-
uns de ces arbres, pour voir fi ce même défaut exiftoit
auffi dans les racines, mais nous les avons trouvées très-
faines , ainfi il eft probable que la terre qui les reeouvroit
les avoit garanties du grand froid.
Voilà donc un effet des plus fâcheux des gelées
d’hiver, qui pour être renfermé dans l’intérieur des
arbres, n’en eft pas moins à craindre, puifqu’il rend les
arbres qui en font attaqués, prefque inutiles pour toutes
fortes d’ouvrages ; mais outre cela il eft très - fréquent,
& on a toutes les peines du monde à trouver quelques
arbres qui en foient totalement exempts; cependant on
doit conclure des obfrrvations que nous venons de rapporter
, que tous les arbres dont le bois ne fuit pas une
nuance réglée depuis le centre où il doit être d’une
couleur plus foncée jufou’auprès de l ’aubier, où la couleur
s’éclaircit un peu, doivent être foupçonnés de
quelques défauts, & même être entièrement rebutés pour
les ouvrages de conféquence, fi la différence eft confi-
dérable. Difons maintenant un mot de cet autre défaut,
que nous avons appelé la gelivure entrelardée.
En friant horizontalement des pieds d’arbres , on aperçoit
quelquefois un morceau d’aubier mort & d ’écorce
defféchée, qui font entièrement recouverts par le bois
vif. Cet aubier mort occupe à peu-près le quart de la
circonférence dans l ’endroit du tronc où il fr trouve ;
il eft quelquefois plus brun que le-bon bois, & d’autres