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ne s’agiffoit pas moins que de faire fouiller la terre à
deux pieds & demi de profondeur, de la cultiver d’abord
comme on cultive un jardin ; & pour améliorations de
faire conduire dans ce terrein , qui me paroiffoit un peu
trop ferme & trop froid, plus de deux cents voitures de
mauvais bois de recoupe & de copeaux que je fis brûler
fur la place, & dont on mêla les cendres avec la terre.
Cette dépenfe alloit déjà beaucoup au-delà du quadruple
de la valeur du fonds, mais je me fàtisfaifois, & je voulois
avoir du bois en cinq ans ; mes efpérances étoient fondées
fur ma propre expérience, fur la nature d’un terrein
choifi entre cent autres terreins, & plus encore fur la
réfolution de ne rien épargner pour réuffir, car c ’étoit
une expérience; cependant elles ont été trompées, j’ai
été contraint dès la première année de renoncer à mes
idées, & à la troifième j ’ai abandonné ce terrein avec
un dégoût égal à l’empreffement que j’avois eu pour le
cultiver. On n’en fera pas fùrpris lorfque je dirai, qu’à
la première année, outre les ennemis que j’eus à combattre,
comme les mulots, les oifeaux, &c. la quantité
des mauvaifès herbes -fut fi grande, qu’on étoit obligé
de fàrcler continuellement, & qu’en le faifànt à la main
& avec la plus grande précaution, on ne pouvoit cependant
s’empêcher de déranger les racines des petits
arbres naiffans , ce qui leur caufojt un préjudice fenfible;
je me fouvins alors, mais trop tard, de la remarque
des jardiniers, qui, la première année n’attendent rien
d’un jardin neuf, & qui ont bien de la peine dans les
trois
Partie expérimentale. 2 8 1
trois premières années à purger le terrein des mauvaifès
herbes dont il eft rempli. Mais ce ne fut pas là le plus
grand inconvénient, l ’eau me manqua pendant l’été, &
ne pouvant arrofer mes jeunes plants, ils en fouffrirent
d ’autant plus qu’ils y avoient été accoutumés au printemps
; d’ailleurs le grand foin avec lequel on ôtoit les
mauvaifès herbes, par de petits labours réitérés, avoit
rendu le terrein net, & fur la fin de l ’été la terre étoit
devenue brûlante & d ’une féchereffe affreufè, ce qui
ne feroit point arrivé fi on ne l’avoit pas cultivée auffi
fouvent, & fi on eût laiffé les mauvaifès herbes qui
avoient crû depuis le mois de juillet. Mais le tort irréparable
fut celui que caufa la gelée du printemps fuivant :
mon terrein quoique bien fitué, n’étoit pas affez éloigne
des bois pour que la tranfpiration des feuilles naiffantes
des arbres ne fe répandît pas fur mes jeunes plants ; cette
humidité accompagnée d’un vent de nord, les fit geler
au 16 de mai, & dès ce jour je perdis prefque toutes
mes efpérances ; cependant je ne voulus point encore
abandonner entièrement mon projet, je tâchai de remédier
au mal caufé par la gelée, en faifànt couper toutes
les parties mortes ou malades ; cette opération fit un
grand bien, mes jeunes arbres reprirent de la vigueur,
& comme je n’avois qu’une certaine quantité d’eau à
leur donner, je*la réfervai pour le befoin preffant; je
diminuai auffi le nombre des labours, crainte de trop
deffécher la terre, & je fus affez content du fuccès de
ccs petites attentions : la seve d août fut abondante, &
Supplément. Tome IL N n