2Ç2 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
les plus ftériles, & paroiffent fe refulèr à toute culture,
deviendront néanmoins auffi utiles que les autres. Car
un bois de pins peut rapporter autant & peut-être plus
qu’un bois ordinaire, & en l’exploitant convenablement
devenir un fonds non-foulement auffi fructueux, mais
auffi durable qu’aucun autre fonds de bois.
La meilleure manière d’exploiter les taillis ordinaires,
eff de faire, coupe nette en laiffant le moins de baliveaux
qu’il efl poffible ; il eft très-certain que ces baliveaux font
plus de tort à l’accroiffement des taillis, plus de perte au
propriétaire qu’ils ne donnent de bénéfice, & par confé-
quent il y auroit de l’avantage à les tous fupprimer. Mais
comme l ’Ordonnance prefcrit d’en laiffer au moins fèize
par arpent, les gens les plus foigneux de leurs bois ne
pouvant fe difpenfor de cette fèrvitude mal entendue,
ont au moins grande attention à n’en pas laiffer davantage,
& font abattre à chaque coupe fubféquente ces
baliveaux réfèrvés. Dans un bois de pins l’exploitation
doitfè faire tout autrement; comme cette efpèce d’arbre
ne repouffe pas fur fbuche ni des rejetons au loin, &
qu’il ne fe propage & multiplie que par les graines qu’il
produit tous les ans, qui tombent au pied ou font tranf-
portées par le vent aux environs de chaque arbre, ce
fèroit détruire ce bois que d’en faire coupe nette ; il faut
y laiffer cinquante ou foixante arbres par arpent, ou pour
mieux faire encore, ne couper que la moitié ou le tiers
des arbres alternativement, e ’efl-à-dire, éclaircir feulement
le bois d’un tiers ou de moitié, ayant foin de laiffer les
arbres qui portent le plus de graines ; tous les dix ans on
fera pour ainfi dire une demi - coupe, ou même on
pourra tous les ans prendre dans ce taillis le bois dont
on aura befoin : cette dernière manière, par laquelle on
jouit annuellement d’une partie du produit de fon fonds,
eft de toutes la plus avantageufè.
L ’épreuv'e que je viens de rapporter, a été faite en
Bourgogne, dans ma terre de Buffon, au-deffus des
collines les plus froides & les plus ftériles ; la graine
m’étoit venue des montagnes voifines de Genève, on
ne connoiffoit point cette efpèce d’arbre en Bourgogne,
qui y eft maintenant naturalifë & affez multiplié pour
en faire à l’avenir de très-grands cantons de bois dans
toutes les terres où les autres arbres ne peuvent réuffir.
Cette efpèce de pin pourra croître & fo multiplier
avec le même fùccès dans toutes nos provinces, à
l’exception peut-être des plus méridionales, où l ’on
trouve une autre efpèce de pin, dont les cônes font
plus alongés, & qu’on connoît fous le nom de pin
maritime, ou pin de Bordeaux, comme l ’on connoît
celui dont j ’ai parlé, fous le nom de pin de Genève.
Je fis venir & fomer, il y a trente-deux ans, une affez
grande quantité de ces pins de Bordeaux, ils n’ont pas
à beaucoup près auffi bien réuffi que ceux de Genève;
cependant il y en a quelques-uns qui font même d’une
très-belle venue parmi les autres, & qui produifènt des
graines depuis pluheurs années, mais on ne s’aperçoit
pas que ces graines réiiffiffent fans culture, & peuplent