année, afin de faire pouffer un plus grand nombre de
rejetons. Après le fiimach, le tremble efl le meilleur,
car il pouffe des rejetons à quarante ou cinquante pas,
& j ’ai garni plufieurs endroits de mes plantations, en
fàifànt feulement abattre quelques trembles qui s’y trou-
voient par hafàrd. Il efi vrai que cet arbre ne fè tranfplante
pas aifément, ce qui doit faire préférer le fiimach; de
tous les arbres que je connois, c ’eft le fèul qui fans aucune
culture croiffe & fè multiplie au point de garnir un
terrein en auffi peu de temps ; ies racines courent prefque
à la furface de la terre, ainfi elles ne font aucun tort à
celles des jeunes chênes qui pivotent & s’enfoncent dans
la profondeur du fol. On ne doit pas craindre que ce
fiimach ou les autres mauvaifes efpèces de bois, comme
le tremble, le peuplier & le marfeau, puiffent nuire aux
bonnes efpèces, comme le chêne & le hêtre; ceux-ci
ne font foibles que dans leur jeuneffe, & après avoir
paffé les premières années à l’ombre & à l ’abri des autres
arbres, bientôt ils s’élèveront au-deffus, & devenant plus
forts ils étoufferont tout ce qui les environnera.
Je l ’ai dit & je le répète, on ne peut trop cultiver la
terre lorfqu’elle nous rend tous les ans le fruit de nos
travaux ; mais lorfqu’il faut attendre vingt-cinq ou trente
ans pour jouir, lorfqu’il faut faire une dépenfe confidérable
pour arriver à cette jouiffance, on a raifon d’examiner,
on a peut-être raifon de fè dégoûter. Le fonds ne vaut
que par le revenu, & quelle différence d’un revenu annuel
à un revenu éloigné, même incertain 1
P a r t i e e x p é r i m e n t a l e . 2 7 9
J ’ai voulu m’affurer, par des expériences confiantes,
des avantages de la culture par rapport au bois, & pour
arriver à des connoiffances précifes, j’ai fait femer dans
un jardin quelques glands de ceux que je femois en
même temps & en quantité dans mes bois ; j’ai abandonné
ceux-ci aux foins de la Nature, & j’ai cultivé
ceux-là avec toutes les recherches de l’Art. En cinq
années les chênes de mon jardin avoient acquis une tige
de dix pieds, & de deux à trois pouces de diamètre,
& une tête alfez formée pour pouvoir fe mettre aifément
à l ’ombre deffous., quelques-uns de ces arbres ont
même donné dès la cinquième année du fruit, qui,
étant femé au pied de fe s pères, a produit d’autres arbres
redevables de leur naiffance à la force d’une culture
affidue & étudiée. Les chênes de mes bois, femés en
même temps, n’avoient après cinq ans que deux ou
trois pieds de hauteur, ( je parle des plus vigoureux,
car le plus grand nombre n’avoit pas un pied ) leur tige
étoit à peu-près greffe comme le doigt, leur forme
étoit celle d’un petit buiffon, leur mauvaife figure, loin
d’annoncer de la poflérité, laiffoit douter s’ils auraient
affez de force pour fe confèrver eux-mêmes. Encouragé
par ces fuccès de culture, & ne pouvant fouffrir les
avortons de mes bois, lorfque je les comparois aux
arbres de mon jardin, je cherchai à me tromper moi-
même fur la dépenfe, & j’entrepris de faire dans mes
bois un canton affez confidérable, où j’éleverois les
arbres avec- les mêmes foins que dans mon jardin : il