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que là gelée du printemps eft le fléau des taillis ; c ’eft
elle qui, dans les endroits bas & dans les petits vallons,
fupprime continuellement les jeunes rejetonsf & empêche
le bois de s’élever; en un mot , elle fait au bois un aulfi
grand tort qu’à toutes les autres prodùdions de la terre,
& fi ce tort a jufqu’ici été moins connu, moins fenfible,
c ’eft que la jouiflance d’un taillis étant éloignée, le propriétaire
y lait moins d’attention , & fe confole plus aifément
de la perte qu’il fait; cependant cette perte n’en efl pas
moins réelle, puifqu’elle recule fon revenu de piufieurs
années. J ’ai tâché de prévenir, autant qu’il efl: poflïble,
les mauvais effets de la gelée, en étudiant la façon dont
elle agit, & j’ai fait fur cela des expériences qui m’ont
appris que la gelée agit bien plus violemment à l’expo-
fition du midi, qu’à l’expofitron du nord ; qu’elle fait
tout périr à l’abri du vent, tandis qu’elle épargne tout
dans les endroits où il peut pafler librement. Cette obfer-
vation, qui eft confiante , fournit un moyen de préferver
de la gelée quelqûes endroits des taillis, au moins pendant
les deux ou trois premières années, qui font le temps
critique, & où elle les attaque avec plus d’avantage;
ce moyen confifte à obferver, quand on les abat, de
commencer la coupe du côté du nord ; il eft aifë d’y
obliger les marchands de bois en mettant cette claufe
dans leur marché , & je me fuis déjà très-bien trouvé
d’avoir pris cette précaution pour quelques-uns de mes
taillis,
Un père de famille, un homme arrangé qui fe trouve
propriétaire.
PARTIE EXPÉRIMENTALE. 2 5 7
propriétaire d’une quantité un peu confidérable de bois
taillis, commence par les faire arpenter, borner, divifer
& mettre en coupe réglée, il s’imagine que c ’eft-là le
plus haut point d’économie; tous les ans il vend le même
nombre d’arpens, de cette façon fes bois deviennent un
revenu annuel; il fe fait bon gré de cette règle, & c ’eft
cette apparence d’ordre qui a fait prendre faveur aux
coupes réglées : cependant il s’en faut bien que ce fbit
là le moyen de tirer de fès taillis tout le profit qu’on
en pourrait obtenir; ces coupes:réglées ne font bonnes
que pour ceux qui ont des terres éloignées qu’ils ne
peuvent vifiter; la coupe réglée de leurs bois eft une
e/jîèce de ferme, ils comptent fur le produit, & ,1e
reçoivent fàïis fè donner aucun foin, cela doit convenir
à grand nombre de gens; mais pour ceu* dont l’habitation
fe trouve fixée à la campagne, & même pour ceux
qui y vont pafler un certain temps toutes les années, il
leur eft facile de mieux ordonner les coupes de leurs
bois taillis. En général on peut affluer que dans les bons
terreins on gagnera à les attendre , & que dans les terreins
où il n’y a pas de fond, il faut les couper fort jeunes;
mais il ferait à fbuhaiter qu’on pût donner de la précifion
à cette règle, & déterminer au jufte l’âge où l’on doit
couper les taillis ; cet âge eft celui où l’accroiflement du
bois commence à diminuer. Dans les premières années
le bois croît de plus en plus, c ’eft-à-dire, que la production
de la fécondé année eft plus confidérable que
celle de la première année ; l’accroifTement de la troifième
Supplément. Tome IL K k