5 i 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
S E C O N D M É M O I R E .
Fondemens des Recherches précédentes fur la
température des Planètes.
L ’h o m m e nouveau n’a pu voir, & l’homme ignorant
ne voit encore aujourd’hui la Nature & l’étendue de
l ’Univers que par leîfimple rapport de fes yeux; la Terre
eft pour lui un folide d’un volume fans bornes, d’une
étendue fans limites, dont il ne peut qu’avec peine parcourir
de petits efpaces fiiperficiels, tandis que le Soleil,
les Planètes & l’immenfité de? cieux, ne lui préfentent
que des points lumineux, dont le Soleil & la Lune lui
paroiffent être les feuls objets dignes de fixer fes regards.
A cette faulfe idée fur l’étendue de la Nature & fur les
proportions de l ’Univers, s’eft bientôt joint lefentiment
encore plus difproportionné de la prétention. L ’homme
en fe comparant aux autres êtres terreftres g s’ell trouvé
le premier, dès-lors il a cru que tous étoient faits pour
lui; que la Terre même n’avoit été créée que pour lui
fervir de domicile & le Ciel de fpeélacle ; qu’enfin
l ’Univers entier devoir fe rapporter à lès befoins &
même à fes plaifirs. Mais à melure qu’il a fait ufage de
cette lumière divine, qui feule anoblit fon être, à
melure que l ’homme s’eft inftruit, il a été forcé de
rabattre de plus en plus de ces prétentions ; il s’eft vu
rapetiffer en même raifon que l’Univers s’agrandilfoit,
P a r t i e h y p o t h é t i q u e . 517
& il lui eft aujourd’hui bien évidemment démontré,
que. cette Terre qui fait tout fon domaine, & fur laquelle
il ne peut malheureufement fubfifter fans querelle
& fans trouble, eft à proportion toute auffi petite pour
l ’Univers que lui - même l ’eft pour le Créateur. En
effet, il n’eft plus poftible de douter que cette même
Terre fi grande & fi vafte pour nous, ne foit une a fiez
médiocre planète, une petite maffe de matière qui circule
avec les autres autour du Soleil ; que cet aftre de
lumière & de feu ne foit plus de douze cents mille fois
plus gros que le globe de la T erre , & que fà puiflance
ne s’étende à tous les corps qu’il fléchit autour de lui ;
en forte que notre globe en étant éloigné de trente-trois
millions de lieues au moins, la planète de Saturne fe
trouve à plus de trois cents treize millions des mêmes
lieues ; d’où l ’on ne peut s’empêcher de conclure que
l ’étendue de l’empire du Soleil, ce Roi de la Nature,
ne foit une fphère, dont le diamètre eft de fix cents
vingt-fept millions de lieues, tandis que celui de la
Terre n’eft que de deux mille huit cents foixante-cinq :
Et fi l ’on prend le cube de ces deux nombres, on fe
démontrera que la Terre eft plus petite, relativement à
cet elpace, qu’un grain de fable ne l ’eft relativement au
volume entier du globe.
Néanmoins la planète de Saturne, quoique la
plus éloignée du Soleil, n’eft pas encore à beaucoup
près fur les confins de fon empire. Les limites en font
beaucoup.plus reculées, puifque les Comètes parcourent