& on lui enlève en même-temps par cette opération,
peut-être un quart de là force.
Cette couche extérieure que l’on a 11 grand tort d ’enlever,
eft en même-temps la cuiraffe & la fauvegarde du
canon ; non - feulement elle lui donne toute la force de
réfillance qu’il doit avoir, mais elle le défend encore de
la rouille qui ronge en peu de temps ces canons tournés ;
on a beau les luftrer avec de l’huile, les peindre ou les
polir ; comme la matière de la lurface extérieure eft aulfi
tendre que tout le refte, la rouille y mord avec mille fois
plus d’avantage que fur ceux dont la furface eft garantie
par la trempe. Lorfque je lus donc convaincu par mes
propres ohfervations, du préjudice que portoit à nos
canons cette mauvaife pratique, je donnai au Miniftre
mon avis motivé pour qu’elle fût profcrite ; mais je ne
crois pas qu’on ait fuivi cet avis, parce qu’il s’eft trouvé
plufieurs perfonnes, très-éclairées d’ailleurs, & nommément
M. de Morogues, qui ontpenfé différemment. Leur
opinion fi contraire à la mienne, eft fondée fur ce que
la trempe rend le fer plus caftant, & dès-lors ils regardent
la couche extérieure comme la plus foihle & la moins
réfiftante de toutes les parties de la pièce, & concluent
qu’on ne lui fait pas grand tort de l’enlever ; ils ajoutent
que fi l’on veut même remédier à ce tort, il n’y a qu’à
donner aux canons quelques lignes d’épailfeur de plus.
J ’avoue que je n’ai pu me rendre à ces raifons ; il faut
diftinguer dans la trempe, comme dans toute autre choie,
plufieurs états & même plufieurs nuances. Le fer & l ’acier
chauffes à blanc & trempés fubitement dans une eau très-
froide deviennent très-caftans ; trempés dans une eau moins
froide ils font beaucoup moins caftans, & dans de l ’eau
chaude la trempe ne leur donne aucune fragilité lènfible.
J ’ai fur cela des expériences qui me paroiffent décifives.
Pendant l’été dernier. 1 7 7 2 , j’ai fait tremper dans l ’eau
de la rivière qui étoit alfez chaude pour s’y baigner, toutes
les barres de fer qu’on forgeoit à un des feux de ma forge ,
& comparant ce fer avec celui qui n’étoit pas trempé, la
différence du grain n’en étoit pas lènfible, non plus que
celle de leur réfiftance à la malfe lorlqu’on les calfoit.
Mais ce même fer travaillé de la même façon par les
mêmes ouvriers, & trempé cet hiver dans l ’eau de la
même rivière qui étoit prefque glacée par-tout, eft non-
feulement devenu fragile, mais a perdu en même temps
tout Ibn nerf, en forte qu’on auroit cru que ce n’étoit
plus le même fer. O r , la trempe qui fè fait à la lurface
du canon , n’eft aflurément pas une trempe à froid, elle
n’eft produite que par la petite humidité qui fort du moule
déjà bien léché ; il ne faut donc pas en raifonner comme
d’une autre trempe à froid, ni en conclure qu’elle rend
cette couche extérieure beaucoup plus caftante qu’elle ne
le lèroit làns cela. Je lùpprime plufieurs autres raifons que
je pourrois alléguer, parce que la choie me paroît alfez
claire.
Un autre objet, & lur lequel il n’eft pas aulfi aile de
prononcer affirmativement, c ’eft la pratique où l ’on eft
aéluellement de couler les canons pleins, pour les forer
M ij