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d’écorcer fur pied fc ferait rétabli fouvent fans1'la rigueur
des loix : or, pour un très-léger avantage, pour une façon
un peu moins chère d’enlever l’é corce, on faifoit un tort
confidérable aux fouches. Dans un canton que j’ai fait
écorcer & fécher fur pied, j’en ai compté plufieurs qui
ne repoufloient plus, quantité d’autres qui poufloient plus
foiblement que les fouches ordinaires, leur langueur a
même été durable ; car après trois ou quatre ans j’ai vu
leurs rejetons ne pas égaler la moitié de la hauteur des
rejetons ordinaires de même âge. La défenfe d’éeorcer
fur pied eft donc fondée en raifon, il conviendrait feulement
de faire quelques exceptions à cette règle trop
générale. Il en eft tout autrement des futaies que des
taillis , il faudroit permettre d ’écorcer les baliveaux & tous
les arbres de fèrvice ; car on fait que les futaies abattues
ne repouftènt prefque rien : que plus un arbre eft vieux,
lorfqu’on l’abat, moins fà fouche épuifée peut produire;
ainfi foit qu’on écorce ou non , les fouches des arbres de
fervice produiront peu lorfqu’on aura attendu le temps
de la vieillefle de ces arbres pour les abattre. A l’égard
des arbres de moyen âge, qui biffent ordinairement à
leur louche la force de reproduire, Técorcement ne la
détruit pas ; car ayant obfervé les fouches de mes fix arbres
écorcés & féchés fur pied, j’ai eu le plaifir d’en voir
quatre couvertes d’un affez grand nombre de rejetons,
les deux autres n’ont pouffé que très-foiblement, & ces
deux fouches font précifëment celles des deux arbres qui,
dans le temps de i’écorcement, étoient moins en sève
que les autres. Trois ans après l’écorcement, tous ces
rejetons avoient. trois à quatre pieds de hauteur ; & je ne
doute pas qu’ils ne fe fuflent élevés bien plus haut fi le
taillis qui les environne & qui les a devancés , ne les privoit
pas des influences de l ’air libre fi néceflaire à l ’accroifîe-
ment de toutes les plantes.
Ainfi l ’écorcement ne fait pas autant de mal aux
fouches qu’on pourrait le croire, cette crainte ne doit
donc pas empêcher l’établiffement de cet ufàge facile &
très - avantageux ; mais il faut le reftreindre aux arbres
deftinés pour le fèrvice, & il faut choifir le temps de la
plus grande sève pour faire cette opération ; car alors les
canaux font plus ouverts, la force de fuccion eft plus
grande, les liqueurs coulent plus aifément, paffent plus
librement & par conféquent les tuyaux capillaires confer-
vent plus long-temps leur puiffance d'attraction, & tous
les canaux ne fe ferment que long-temps après l’écorcement;
au lieu que dans les arbres écorcés avant la sève,
le chemin des liqueurs ne fe trouve pas frayé , & la route
la plus commode fe trouvant rompue avant que d’avoir
fervi, la sève ne peut fe faire paffage auffi facilement,
la plus grande partie des canaux ne s’ouvre pas pour la
recevoir, fbn aétion pour y pénétrer eft impuiflante, &
ces tuyaux fèvrés de nourriture font obftrués faute de
tenfion ; les autres ne s’ouvrent jamais autant qu’ils l ’au-
roient fait dans l ’état naturel de l’arbre, & à l’arrivée de
la sève ils ne préfentent que de petits orifices, qui, à la
vérité, doivent pomper avec beaucoup de force, mais qui
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