62 H I S T O I R E N A T U R E L L E
surpassent de beaucoup la mesure que la Nature a
donnée à l’homme pour juger du volume de ce qui
l’entoure; cette mesure dont il ne cesse de se servir,
quoiqu’il ignore souvent l’usage qu’il en fait, et qui
consiste dans sa propre hauteur. Un ciron de deux ou
trois décimètres de longueur seroit bien plus extraordinaire
qu’un éléphant long de dix mètres, un squale
de vingt, un serpent de cinquante, et une baleine de
plus de cent, et cependant il nous frapperoit beaucoup
moins; il surprendroit davantage notre raison, mais
il agiroit moins vivement sur nos sens ; il s’emparerait
moins de notre imagination ; il imprimerait bien
moins à notre ame ces sensations profondes, et à
notre esprit ces conceptions sublimes que font naître
les dimensions incomparablement plus grandes que
notre propre stature.
Ces dimensions très-rares dans les êtres vivans et
sensibles sont celles du glanis.
Un individu de cette espèce , vu près de Limritz
dans la Poméranie, avoit la gueule assez grande pour
qu’on pût j faire entrer facilement un enfant de six
ou sept ans. On trouve dans le Volga des glanis de
,quatre ou cinq mètres de longueur. On prit, il y a
quelques années, dans les environs de Spandow, un de
ces silures, quiétoit du poids de soixante kilogrammes;
et un autre de ces poissons, pêché à Writzen sur l’Oder,
en pesoit quatre cents.
Le glanis a la tête grosse et très-aplatie de haut en
bas; le museau très-arrondi par-devant; la mâchoire
inférieure un peu plus avancée que celle d’en-haut;
ces deux mâchoires garnies d’un très-grand nombre
de dents petites et recourbées ; quatre os ovales, hérissés
de dents aiguës, et situés au fond de la gueule;
l ’ouverture de la bouche très-large; une fossette de
chaque côté de la lèvre inférieure ; les jeux ronds,
saillans, très-écartés l’un de l ’autre, et d’une petitesse
d’autant plus remarquable que les plus grands des
animaux, les baleines, les cachalots, les éléphans, les
crocodiles, les serpens démesurés, ont les jeux très-
petits à proportion des énormes dimensions de leurs
autres organes.
Le dos du glanis est épais; son ventre très-gros; son
anale très-longue; sa ligne latérale droite; sa peau enduite
d’une humeur gluante à laquelle s’attache une
assez grande quantité de la vase limoneuse sur laquelle
il aime à se reposer.
Le premier rajon de chaque pectorale est osseux,
très-fort et dentelé sur son bord intérieur *.
* Plusieurs poissons compris dans le genre silure, établi par Linné, et
qui ont à chaque pectorale un rayon dur et dentelé, peuvent, lorsqu’ ils
étendent cette nageoire, donner à ce rayon une fixité que l’on ne peut
vaincre qu’en le détournant. La base de ce rayon est terminée par deux
apophyses. Lorsque la pectorale est étendue, l’apophyse antérieure entre
dans un trou de la clavicule ; le rayon tourne un peu sur son axe; l’apophyse
, qui est recourbée, s’accroche au bord du trou ; et le rayon ne peut
plus être fléchi, à moins qu’il ne fasse sur son axe un mouvement en sens
côhtraire du premier.