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sable. Peut-être peut-on douter de cette dernière précaution
; mais les autres opérations ont lieu dans presque
tous les endroits où les saumons ont été bien observés.
Le docteur Grant nous apprend, dans les Mémoires
de Stockholm, que lorsque les femelles travaillent à
donner les dimensions nécessaires à la fosse qu’elles
préparent, elles s’agitent à droite et à gauche, au point
d’user leurs nageoires inférieures, et en laissant ordinairement
leur tête immobile. On en a vu se frotter si
vivement contre le terrain , qu’elles en détachoient
avec violence la terre et les petites pierres, et qu’en
répétant les mêmes mouvemens de cinq en cinq minutes,
ou à peu près, elles parvenoient, au bout de
deux heures,à creuser un enfoncement d’un mètre de
long, de six ou sept décimètres de large, d’un ou deux
décimètres de profondeur, et d’un ou deux décimètres
de rebord.
Lorsque la femelle a terminé ce travail, dont la principale
cause est sans doute le besoin qu’elle a de frotter
son ventre contre des corps durs, pour se débarrasser
d’un poids qui la fatigue et la fait souffrir, et lo*sque
les oeufs sont tombés dans le fond de la cavité qu’elle a
creusée, et que l’on nomme Jrayère dans quelques uns
de nos départemens, le mâle vient les féconder en les
arrosant de sa liqueur vivifiante. 11 peut se faire qu’a-
lors il frotte le dessous de son corps contre le fond de
la fosse, pour faire sortir plus facilement la substance
liquide que sa laite contient : mais on lui a attribué une
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opération qui supposerait une sensibilité d’un ordre
bien supérieur et un instinct bien plus relevé ; on a
prétendu qu’il aidoit la femelle à faire la fosse destinée
à recevoir les oenfs.
Au reste, si nous ne devons pas admettre cette dernière
assertion , nous devons croire que le mâle est
entraîné à la fécondation des oeufs par une affection
plus vive, ou d’une nature différente, que celle qui y
porte la plupart dës autres poissons. Lorsqu’il trouve
un autre male auprès des oeufs déjà déposés dans la
frajère, ou auprès de la femelle pondant encore, il
l’attaque avec courage et le poursuit avec acharnement,
ou ne lui cède la place qu’après l’avoir disputée avec
obstination '.
Les saumons ne fréquentent ordinairement la frajère
que pendant la nuit. Néanmoins, lorsque des brouillards
épais sont répandus dans l’atmosphère, ils profitent de
l’obscurité que donnent ces brouillards pour se rendre
dans leur fosse; et ils j accourent aussi comme pressés
par de nouveaux besoins, lorsqu'ils sont exposés à l’influence
d’un vent très-chaud ’.
Il arrive quelquefois cependant, que les oeufs pondus
par les femelles, et la liqueur séminale des mâles, se
mêlent uniquement par l’effet des courans.
Après le frai, les saumons, devenus mous, maigres et
1 Noies mahuècïit'es du tribun Pénières.
* Ibid.