laissent glisser sur eux les plombs du bas des filets que
traînent les pêcheurs. O11 les a vus aussi se précipiter
dans un courant rapide, et, cachés sous l’écume et les
bouillons des eaux, souffrir avec constance, et sans
changer de place, la douleur que leur causoit une
gaule qui frottoit avec force et comprimoit leur dos
La pêche du saumon forme » dans plusieurs contrées,
«ne branche d’industrie et de commerce, dont les produits
peuvent servir à la nourriture d’un grand nombre
de personnes. A Berghen, par exemple, il n’est pas rare
de voir les pêcheurs apporter deux mille saumons dans
un jour. Nous lisons dans le Voyage de l ’infortuné la
Pérouse % qu’auprès de la baie de Castries, sur la côte
orientale de Tatarie, au fond de la manche du même
nom, on prit., dans un seul jour du mois de juillet,plus
de deux mille saumons. Il est des pays où l’on en pêche
plus de deux cent mille par an. En Norvège on a pris
quelquefois plus de trois cents de ces animaux d’un seul
coup de filet3. La pêche que l’on fait de ces poissons
dans la Tweed , rivière de la Grande-Bretagne, est
quelquefois si considérable, qu’on a vu un seul coup
de filet en amener sept cents. Et en îySo, on prit
d’un seul coup, dans la Ribble4, trois mille cinq cents
1 Notes manuscrites du tribun P é ni ères.
2 Voyage de la Pérouse 9 rédigé par le général Milet-Mureau, tom-III%
p. 61.
3 Pennant, Zoologie britannique 9 yol, I I I 7 p. 289-
4 Richter, ichihyol. p. 417.
saumons déjà parvenus à d’assez grandes dimensions.
Mais quelque nombreux que soient les individus de
l’espèce que nous décrivons, plusieurs gouvernemens
ont été forcés d’en régler la pêche, pour qu’une avidité
imprévoyante ne détruisît pas dans une seule saison
l’espérance des années suivantes.
Au reste, les saumons meurent bientôt, non seulement
lorsqu’on les tient hors de l’eau, mais encore
lorsqu’on les met dans une huche qui n’est pas placée
au milieu d une riviere. Des pêcheurs prétendent que
pour empêcher ces poissons de perdre leur goût, il faut
se presser de les tuer dès le moment où on les tire de
l’eau; et qu’après cette précaution, leur chair, quoique
très-grasse, peut se conserver pendant plusieurs semaines.
Mais lorsqu’après la mort de ces animaux on
veut les" transporter à de grandes distances, et par conséquent
les garder très - long - temps, on lès vide, on
les coupe en morceaux, on les saupoudre de sel, on les
renferme dans des tonnes, on les couvre de saumure;
ou on les fend depuis la tête, que l’on sépare du corps,
jusqu a la nageoire de la queue, on leur ôte l’épine du
dos, on les laisse dans le sel pendant trois ou quatre
jours, et on les expose à la fumée pendant quinze jours
ou trois semaines.
Auprès de la baie de Castries dont nous venons de
parler, les Tatares tannent la peau des grands saumons,
et en forment un habillement très-souple *.
* Voyage de la Pérouse, rédigé par le général Milet-Mureau , tom. III,
p . 6 1 .