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avoit prise eu Saxe; et je trouve dans des notesmanus-
crites qui m’ont été envoyées il y a plus de douze ans
par l’évêque d’Uzès, qui les avoit rédigées avec beaucoup
de soin, que l’on avoit pêché, dans le Gardon,
des truites de neuf kilogrammes.
Le salmone truite aime une eau claire, froide, qui
descende de montagnes élevées,-qui s’échappe avec
rapidité, et qui coule sur un fond pierreux. Voilà
pourquoi les truites sont très-rares dans la Seine, parce
qüe les eaux de ce fleuve sont trop douces pour elles,'
et trop lentes dans leur cours' ; et voilà pourquoi, au
contraire , mon célèbre confrère , le législateur Ra-
mond, membre de l’Institut national, a rencontré des
truites dans des amas d’eau situés à près de deux mille
mètres au-dessus du nivèaù de la mer, dans ces Pyrénées
qu’il connoît si bien, et dont il a fait comme son
domaine*. Il nous écrivoit de Bagnères , en l’an 5 ,
que le fond de ces amas d’eau est rarement calcaire
ou schisteux, mais le plus souvent de granit ou de
porphyre. On n’y voit en général aucun autre végétal
que la plante nommée sparganium natans, et plus
fréquemment des ulves solides, croissantes sur des
blocs submergés: mais le fond est presque toujours
enduit d’une couche mince de la partie insoluble de
Yhumus que les eaux pluviales y entraînent des pentes
environnantes.
1 Noies manuscrites du citoyen Noël de Rouen.
* Vo y e z, à ce sujet, le Discours sur la nature des poissons.
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Les grandes chaleurs peuvent incommoder la truite
au point de la faire périr. Aussi la voit-on vers le solstice
d’été, lorsque les nuits sont très-courtes et qu’un
soleil ardent rend les eaux presque tièdes, quitter les
bassins pour aller, habiter au milieu d’un courant, ou
chercher.près du rivage l’eau fraîche d’un ruisseau ou
celle d’une fontaine.
Elle peut d autant plus aisément choisir entre ces
divers asyles, quelle nage contre la direction des eaux
les plus rapides avec une vitesse qui étonne l ’observateur,
et qu’elle s’élance au-dessus de digues ou de cascades
de plus de deux mètres de haut.
Elle 11e doit cependant changer de demeure qu’avec
précaution. Le tribun Pénières assure que si pendant
lete les eaux sont très-chaudes, et qu’après y avoir
pêché une truite on la porte dans un réservoir très-frais
elle tneurt bientôt, saisie par le froid soudain quelle
éprouve *.
Au reste, une habitation-plus extraordinaire, que
celles que nous venons d’indiquer, paraît pouvoir convenir
aux truites, même pendant plusieurs mois, aussi
bien et peut-être mieux qu’à d’autres espèces de poissons.
Le citoyen Duchesne, professeur d’histoire naturelle
à Versailles, et dont ou connoît le zèle louable et
les bons ouvrages, m’a communiqué le fait suivant,
,qu’il tenoit du célèbre médecin Lemonnier, mon ancien
collègue au Muséum national d’histoire naturelle.
* Notes manuscrites déjà citécsi
T O M E y .