J Ó 2 H I S T O I R E N A T U R E L L E
fleuves et des rivières, dont les eaux douces et rapides
lui servent d’habitation pendant une très-grande
partie de l’année. H n’est point étranger aux lacs immenses
ou aux mers inlérieures qui ne paroissent
avoir aucune communication avec l’Océan. On le
compte parmi les poissons de la Caspienne ; et cependant
on assure qu’on ne l’a jamais vu dans la Méditerranée.
Aristote ne l’a pas connu. Pline ne parle
que des individus de cette espèce que l’on avoit pris
dans les Gaules ; et le savant professeur Pictet conjecture
qu’on ne l’a point observé dans le lac de Genève,
parce qu’il n’entre pas dans la Méditerranée, ou du
moins parce qu’il j est très-rare *.
Il tient le milieu entre les poissons marins et ceux
des rivières. S’il croît dans la'mer, il naît dans l’eau
douce; si pendant l’hiver il se réfugie dans l’Océan,
il passe la belle saison dans les fleuves. Il en recherche
les eaux les plus pures ; il ne supporte qu’avec peine
ce qui peut en troubler la limpidité; et c’est presque
toujours dans ces eaux claires qui coulent sur un fond
de gravier, que l’on rencontre les troupes les plus
nombreuses des saumons les plus beaux.
11 parcourt avec facilité toute la longueur des plus
grands fleuves. Il parvient jusqu’en Bohême par l’Elbe,
en Suisse par le Rhin, et auprès des hautes Cordillères
de l’Amérique méridionale par l’immense Maragnon ,
* Lettre du -professeur Pictet3 Journal de Genève, premier mars 1788.
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dont le cours est de quatre cents mjriamètres. On a
même écrit qu+l n étoit ni eflrajé ni rebuté par une
grande étendue de trajet souterrain ; et on a prétendu
qu’on avoit retrouvé dans la mer Caspienne, des saumons
du golfe Persique, qu’on avoit reconnus aux
anneaux d’or ou d’argent que de riches habitans des
rives de ce golfe s’étoient plus à leur faire attacher.
Dans les contrées tempérées, les saumons quittent la
mer vers le commencement du printemps; et dans les
régions moins éloignées du cercle polaire, ils entrent
dans les-fleuves lorsque les glaces commencent à fondre
sur les côtes de l’Océan. Ils partent avec le flux, surtout
lorsque les flots de la mer sont poussés contre le
courant des rivières par un vent assez fort que l’on
nomme, dans plusieurs p a js , vent du saumon. Ils
préfèrent dè« se'jeter dans celles qu’ils trouvent le
plus débarrassées de glaçons, ou daus lesquelles ils
sont entraînés par la marée la plus haute et la plus
favorisée parle vent. Si les chaleurs de l’été deviennent
trop fortes, ils se réfugient dans les endroits les plus
profonds, où ils peuvent jouir, à une grande distance
de la surface de la rivière, de la fraîcheur qu’ils recherchent;
et c’est par une suite de ce besoin de la
fraîcheur, qu’ils aiment les eaux douces- dont les
bords sont ombragés par des arbres touffus.
Ils redescendent dans la mer vers la fin de l’automne,
pour remonter de nouveau daus les fleuves à l’approche
du printemps. Plusieurs de ces poissons restent cepen