sur le foie, ou sur les muscles du ventre, entre les
arêtes, dans la tunique extérieure de l’ovaire, et dans
l’intervalle qui sépare les deux tuniques de la vessie
urinaire.
On pêche la murénophis hélène avec des nasses et
avec des lignes de fond ; mais son instinct la fait souvent
échapper à la ruse. Lorsqu elle a mordu a 1 hameçon,
elle l’avale pour pouvoir couper la ligne avec
ses dents, ou bien elle se renverse et se roule sur cette
ligne, qui cède quelquefois a ses efforts. La renferme-
t-on dans un filet? elle sait choisir les mailles dans
l ’intervalle desquelles son corps glissant peut en quelque
sorte s’écouler.
Les Romains, voisins de ces temps où la république
expiroit opprimée par une ambition orgueilleuse ,
étouffée par une cupidité insatiable, et ensanglantée
par une horrible tyrannie, recherchoient avec beaucoup
de soin la murénophis hélène : elle servoit et le
caprice, et le luxe, et la cruauté. Ils construisirent'à
grands frais des réservoirs situés sur le bord ou très-
près de la mer, et y élevèrent des hélènes. Columelle,
qui savoit combien la culture des poissons étoit utile
à la chose publique, exposa; dans son fameux ouvrage
sur l’agriculture, l’art de construire ces réservoirs, et
d’y pratiquer des grottes tortueuses, où les hélènes
pussent trouver des abris. Mais ce qu il fit pour la prospérité
de son pays et pour les progrès de l’économie
publique, avoit été fait avant lui pour les besoins du
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luxe et le goût des riches habitans de Rome. Les murénophis
hélènes étoient si multipliées du temps de César,
que, lors d’un de ses triomphes, il en donna six
mille à ses amis; et oii étoit parvenu à les apprivoiser
au point que M. Licinius Crassus en nourrissoit qui ve-
noient à sa voix et s’élançoient vers lui pour recevoir
l’aliment qu’il leur présentoit.
La mode et l’art de la parure avoient trouvé dans
les fo rmes de ces poissons des modèles pour des pen-
dans d’oreille et d’autres ornemens des belles Romaines
*. Le prix qu’on attachoit à la possession de ces
animaux avoit même fait naître une sorte d’affection
si vive, que ce Crassus que nous venons de citer, et,
ce qui est plus étonnant, Quintus Hortensius, duquel
Cicéron a écrit qu’il avoit été un orateur excellent, un
bon citoyen et un sage sénateur, ont pleuré la perte
de murénophis mortes dans leurs viviers.
Cela n’est que ridicule : mafs ce qui est horrible, et
ce qui peint les effets épouvantables de l’excès de la
corruption des moeurs, c’est qu’un Pollio, qu’il ne faut
pas confondre avec un orateur célèbre du même nom ,
engraissoit ses murénophis hélènes avec la chair et le
sang des esclaves qu’il condamnoit à périr; que recevant
Auguste chez lui, il ordonna qu’on jetât dans la
funeste piscine un esclave qui venoit de casser involon-
* Voyez l ’article de la murène anguille 3 relativement aux bracelets des
Romaines , etc.