dant, pendant l’hiver, dans les rivières qu’ils ont parcourues.
Plusieurs circonstances peuvent les y déterminer;
et ils j sont forcés quelquefois par les glaces
qui se forment à l’embouchure, avant qu’ils ne soient
arrivés pour la franchir.
Ils s’éloignent de la mer en troupes nombreuses,
et présentent souvent, dans l’arrangement de celles
qu’ils forment, autant de régularité que les époques
de leurs grands voyages. Le plus gros de ces poissons,
qui est ordinairement une femelle, s’avance le premier;
à sa suite viennent les autres femelles deux à deux, et
chacune à la distance d’un ou deux mètres de celle qui
la précède; les mâles les plus grands paroissent ensuite
, observent le même ordre que les femelles, et
sont suivis des plus jeunes. On peut croire que cjette
disposition est réglée par l’inégalité de la hardiesse de
ces dilférens individus, ou de la force qu’ils peuvent
opposer à l’action de l’eau.
S’ils donnent contre un filet, ils le déchirent, ou
cherchent à s’échapper par-dessous ou par les côtés de
cet obstacle; et dès qu’un de ces poissons a trouvé
une issue, les autres le suivent, et leur premier ordre
se rétablit.
Lorsqu’ils nagent, fisse tiennent au milieu du fleuve
et près de la surface de l’eau ; et comme ils sont souvent
très-nombreux, qu’ils agitent l’eau violemment,
et qu’ils font beaucoup de bruit, on les entend de
loin, comme le murmure sourd d’un orage lointain.
Lorsque la tempête menace, que le soleil lance des
rayons très-ardens, et que l’atmosphère est très-
éehauffée, ils remontent les fleuves sans s’éloigner du
fond de la rivière. Des tonneaux, des bois, et principalement
des planches luisantes, flottant sur l’eau,
les corps rouges, les couleurs très-vives, des bruits
inconnus, peuvent les effrayer au point de les détourner
de leur direction, de les arrêter même dans leur
voyage, et quelquefois de les obliger à retourner vers
la mer.
Si la température de la rivière, la nature de la lur
mière du soleil, la vitesse et les qualités de l’eau leur
conviennent, ils voyagent lentement; ils jouent à la
surface du fleuve; fis s’écartent de leur route; ils
reviennent plusieurs fois sur l’espace qu’ils ont déjà
parcouru. JMais s’ils veulent se dérober à quelque sensation
incommode, éviter un danger, échapper à un
piège, ils s’élancent avec tant de rapidité, que l’oeil
a de la peine à les suivre. On peut d’ailleurs démontrer
que ceux de ces poissons qui n’emploient que trois
mois à remonter jusque vers les sources d’un fleuve
tel que le Maragnon, dont le cours est de quatre cents
myriamètres, et dont le courant est remarquable par
sa vitesse, sont obligés de déployer, pendant près de
la moitié de chaque jour; une force de natation telle
qu’elle leur feroit parcourir, dans un lac tranquille,
quatre ou cinq myriamètres par heure; et l’on a éprouvé
de plus, que lorsqu’ils ne sont pas contraints à exécuter