truites la liberté d’aller frayer dans ce fleuve; on les
refermoit vers le milieu d’octobre : ce qui divisait- le
temps de la pêche en deux saisons ; celle du printemps
qui duroit depuis la fin de janvier jusqu’en juin; et
celle de Vautomne, qui commençoit en octobre, et qui
finissoit avec le mois de janvier. Dans lune et dans
l ’autre de ces saisons, on prenoit des truites à la remonte
et à la descente, mais dans des proportions bien différentes.
Sur quatre cent quatre-vingt-neuf truites, on
en pêchoit trente-six à la descente du printemps, trente-
quatre à la descente de l’automne, seize à la remonte
du printemps, quatre cent trois à la remonte de l’automne.
U est aisé de voir que cette différence provenoit
de la liberté qu’avoient les truites de descendre dans le
Rhône, depuis la fin de juin jusqu’au mois d’octobre.
Pour attirer un plus grand nombre de truites dans
les nasses ou dans les louves, on y place un linge imbibé
d’huile de lin, dans laquelle on a mêlé du castoreum
et du camphre fondus.
On marine la truite comme le saumon, et on la sale
comme , le hareng. Mais c’est sur-tout lorsqu’elle est
fraîche que son goût est très-agréable. Sa chair est
tendre, particulièrement pendant l’hiver; les personnes
même dont l’estomae est foible, la digèrent facilement.
Pendant long-temps ce salmone a été nommé, dans
plusieurs pays, le roi des poissons d’eau douce ; et dans
quelques parties de l'Allemagne les princes s’en étoient
réservé la pêche.
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Comme on ne voit guère la truite séjourner naturellement
que dans les lacs élevés et dans les rivières
ou ruisseaux des montagnes, elle est très-chère dans un
grand nombre d’endroits : elle mérite par conséquent
à beaucoup d’égards l’attention de l’économe, et voici
les principaux des soins qu’elle exige.
Pour former un bon étang à truites, il faut une vallée
ombragée, une eau claire et froide, un fond de sable
ou de cailloux placé sur de la glaise ou sur une autre
terre qui retienne les eaux; une source abondante, ou
un rtiisseau qui, coulant sous des arbres touffus, et
n’étant pas très-éloigné de son origine, amène, même
en été, une eau limpide et froide ; des bords assez élevés,
pour que les truites ne puissent pas s’élancer par-dessus ;
de grands végétaux plantés assez près de cés bords,
pour que leur ombre entretienne la fraîcheur de l’eau ;
des racines d’arbres, ou de grosses pierres, entre lesquelles
les oeufs puissent être déposés; des fossés ou
des digues, pour prévenir les inondations des ravins
ou des rivières bourbeuses ; une profondeur de trois
mètres ou environ, sans laquelle les truites ne trouve-
roient pas un abri contre les effets de l’orage, monte-
roient à la surface de l’eau lorsqu’il menaceroit,y pré-
senteroient souvent un grand nombre de points blanchâtres
ou livides, et périroient bientôt; une quantité
très-considérable de loches ou de goujons, et d’autres
petits cyprins dont les truites aiment h se nourrir, ou
une très-grande abondance de morceaux de foie bâchés,