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cielle de l’art le plus perfectionné. Qu’on ne croie pas
trouver ici un simple rapprochement de portions hétérogènes.
En attachant les uns aux autres ces membres
pour ainsi dire dispersés auparavant, en leur imprimant
un mouvement commun et durable, en répandant dans
leur intérieur le souffle de la vie, la Nature en modifie
toutes les parties, eu pénètre la masse, en adoucit les
contrastes qui se repousseroient avec violence; et sa
main remaniant,pour ainsi dire,et le dehors et le dedans
de ces organes, place des nuances conciliatrices entre
les formes incohérentes, introduit des. liens secrets, et
donne au tout quelle fait naître, ces proportions dans
les ressorts , cette correspondance dans les forces, cet
accord dans les attributs, qui constituent la perfection
de l'ensemble.
La Nature ne cesse donc jamais de maintenir la convenance
des rapports, de perpétuer l’ordre, de conserver
ses lois. Elle agit d’après son plan admirable, lors même
qu’elle paroît s’écarter de ses règles éternelles. Quelle
leçon pour l’homme! et qu’ils sont peu fondés les rai-
sonnemens de ceux qui ont voulu trouver dans les prétendus
caprices de la Nature l’excuse de leurs erreurs
QU de leurs égaremens !•
Mais, descendons de ces considérations élevées, pour
suivre notre route.
C’est à Pallas que nous devons la connofesance du
solénostome,'. qui, par sa conformation extraordinaire,
nous rappelle plusieurs genres différens de poissons, et
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notamment ceux des syngnathes, des pégases, des cy-
c lo p tè r e s , des gobies, dés âspidophores, des scorpènes,
des lépisaeanthes, des péristédions, des loricâires , des
fistulaires, et des aulostomes.
Cet abdominal ne parvient guère à la longueur d’un
décimètre. On l’a pêché dans les eaux d’Amboine. Sa
couleur générale est d’un gris blanchâtre, relevé par
des raies ou petites bandes sinueuses et brunes. On
voit sur la première nageoire du dos et sur celle de la
queue, d’autres raies tortueuses et noires. Les lames
qui recouvrent le corps et la queue , ont leurs bords
hérissés de petites épines : elles sont d’ailleurs placées
de manière que le corps ressemble à une sorte de prisme
à neuf ou dix pans dans sa partie antérieure, et à six
faces dans sa partie postérieure. La queue, dont le diamètre
est moins grand que celui du corps, présente six
ou sept faces.
La tête proprement dite est petite; l’oeil grand; le
devant de l’orbite garni, de chaque côté, d’un piquant à
trois facettes; le tube formé par le museau, très-long,
droit, dirigé vers le bas, comprimé, aigu par le haut,
relevé en-dessous par une double arête longitudinale,
armé dans sa partie supérieure de deux aiguillons coniques;
le bout du museau ou est 1 ouverture de la
bouche, relevé; la lèvre d’en-bas moins avancée cependant
que la supérieure; la nuque défendue par trois
piquans; l’opercule petit, très-mince, et rayonné; la
première dorsale très-haute, et inclinée vers la queue;