ses muscles, le nombre de ses armes; il l’est encore
par les finesses de la ruse et les ressources de l’instinct.
Lorsqu’il s’est élancé sur de gros poissons, sur des
serpens , des grenouilles, des oiseaux d’eau, des rats,
de jeunes chats, ou même de petits chiens tombés ou
jetés dans l’eau, et que l’animal qu’il veut dévorer lui
oppose un trop grand volume, il le saisit.par la tête,
le retient avec ses dents nombreuses et recourbées,
jusqu a ce que la portion antérieure de sa proie soit
ramollie dans son large gosier, en aspire ensuite le
reste, et l’engloutit..S’il prend une perche ou quelque
autre poisson hérissé de piquans mobiles ■, il le serre
dans sa gueule , le tient dans une position qui lui
interdit tout mouvement, et l’écrase, ou attend qu’il
meure de ses blessures.
Tous les brochets ne fraient pas à la même époque:
les uns pondent ou fécondent les oeufs dès la fin de
pluviôse, d’autres en ventôse , et d’autres en germinal.
S’ils sont très-redoutables pour les habitans des eaux
qu’ils fréquentent, ils sont très-souvent livrés sans
défense à des ennemis intérieurs qui les tourmentent
vivement. Bloch a vu dans leur canal alimentaire
différens vers intestinaux, et il a compté dans un de
ces poissons-, qui ne pesoit que quinze hectogrammes,
jusqu’à cent vers, du genre des vers solitaires.
Mais ils ont encore plus à craindre des pêcheurs
qui les poursuivent. On -les prend de diverses manières
; en hiver, sous les glaces; en été, pendant les
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orages, qui, en éloignant d’eux leurs victimes ordinaires
., les portent davantage vers les appâts ; dans
toutes les saisons, au clair de la lune ; dans les nuits
sombres* au feu des bois résineux. On emploie, pour
les pêcher, le trideht, la ligne,Te colleret, latruble;
lepervier, la louve, la nasse *.
Leur chair est agréable au goût. On les sale dans
beaucoup d’endroits, après les avoir vidés, nettojés,
et coupés par morceaux.
*On trouve la description du colleret dans l ’article du centropome
sandat, de la truble dans celui du misgurne fossile, de la louve et de
la nasse dans celui du pétromyzon. lamproie. L ’épervier est un filet en
forme d’entonnoir ou de cloche, dont l ’ouyerlure a quelquefois vingt
métrés de circonférence. Cette circonférence est garnie de balles de plomb,
et le long de ce contour le filet est retroussé en dedans, et attaché de dis-
tance en distance, pour former des bourses. On se sert de Véperrier
de deux manières : en le traînant, et en l e jetant. Lorsqu'on le traîne,
deux hommes placés sur les bords du courant d’eau maintiennent l’ ou-
veiture du filet dans une position à peu près verticale, par le moyen de
eux cordes attachées â deux points de cette ouverture. Un troisième
pécheur tient une corde qui répond à la pointe du filet. Si l ’on s’apperçoit
qu’il y ait du poisson de pris, et qu’on veuillereleverVépefri'er, les deux
premiers pêcheurs lâchent leurs cordes, de manière que toute la circonférence
de l’ouverture du filet porte sur le fond ; le troisième tire à lui la
corde qui tient au sommet de la cloche, se balance pour que les balles
de plomb se rapprochent les unes des autres , et quand il les voit réunies
tn-e Véperrier de toutes ses forces, et le met sur la rive. Lorsqu’on jette
ce filet, on a besoin de beaucoup d’adresse, de force et de précautions.
On déploie Véperviér par un élan qui fait faire la roue au filet - et
qui peut; entraîner le pëcheür dans le courant, si une maille s’accroche
a ses habits. L a corde plombée se précipite au fond de l ’eau , et enferme
les poissons compris dans l ’intérieur de la cloche.
TOME V.
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