S 1 6 H I S T O I R E N A T U R E L L E
racines pourries, de jeunes végétaux aquatiques, de
fragmens de fiente de vache, de crottin de cheval, d’ex-
crémens de brebis mêlés avec de la glaise, de fèves,
de pois, de pommes de terre coupées, de navets, de
fruits avancés, de pain moisi, de pâte de chènevis, et
de poissons gâtés.
On peut être obligé, après quelques années , de
laisser à sec, pendant dix ou douze mois, l’étang destiné
à i’engrais des carpes. On profite de cet intervalle
pour j diminuer, si cela est nécessaire, la quantité des
joncs et des roseaux, et pour y semer de l’avoine, du
seigle, des raves, des vesces, des choux blancs, dont les
racines et d’autres fragmens restent et servent d’aliment
aux carpes qu’on introduit dans l’étang renouvelé.
Si la surface de l’étang se gèle, il faut en faire sortir
un peu d’eau, afin qu’il se forme au-dessous de la
glace un vide dans lequel puissent se rendre les gaz
délétères, qui dès-lors ne séjournent plus dans le fluide
habité par les carpes. Il suffit quelquefois de faire dans
la glace des trous plus ou moins grands et plus ou
moins nombreux, et de prendre des précautions pour
que les carpes ne puissent pas s’élancer, par ces ouvertures,
au-dessus de là croûte glacée de l’étang, où le
froid les feroit bientôt périr. Mais on assure que lorsque
le tonnerre est tombé dans l’étang, on ne peut en
sauver le plus souvent les carpes, qu’en renouvelant
presque en entier l’eau qui les renferme, et que l’action
de la, foudre peut avoir imprégnée d’exhalaisons malfaisantes
*.
Au reste, il est presque toujours assez facile d’empêcher,
pendant l’hiver, les carpes de s’échapper par
les trous que l'on peut avoir faits dans la glace. En
effet, il arrive le plus souvent que lorsque la surface
de l’étang commence à se prendre et à se durcir, les
carpes cherchent les endroits les plus profonds, et
par conséquent les plus garantis du froid de l’atmosphère
, fouillent avec leur museau et leurs nageoires
dans la terre grasse, y font des trous en forme de
bassins, s’y rassemblent, s’y entassent, s’y pressent,
s’y engourdissent, et y passent l’hiver dans une torpeur
assez grande pour n’avoir pas besoin de nourriture.
On a même observé assez fréquemment et avec assez
d’attention. cette sopeur des carpes, pour savoir que,
pendant leur long sommeil et leur long jeûne, ces
cyprins ne perdent guère que le douzième de leur
poids.
Lorsqu’on ne surmonte pas, parles soins éclairés
de l’art, les effets des causes naturelles, les carpes élevées
dans les étangs ne sont pas celles dont la chair est
la plus agréable au goût; on leur trouve une odeur de
vase, qu’on ne fait passer qu’en les conservant pendant
près d’un mois dans une eau très-claire, ou en les ren-
* Voyez le Discours intitulé , Des effets*de Vart de Vhomme sur la nature
des poissons*