ne croie pas qu’il ne faille compter que par milliers les
individus renfermés dans ces rangées si longues et si
pressées. Combien de ces animaux meurent victimes
des cétacées, des squales, d’autres grands poissons, des
différens oiseaux d’eau ! et néanmoins combien de
millions périssent dans les baies, où ils s’étouffent et
s’écrasent, en se précipitant, se pressant et s’entassant
mutuellement contre les bas-fonds et les rivages! combien
tombent dans les filets des pêcheurs! Il est telle
petite anse de la Norvège où plus de vingt millions de
ces poissons ont été le produit d’une seule pêche : il est
peu d’années où l’on ne prenne, dans ce pajs, plus de
quatre cents millions de ces dupées. Bloch a calculé que
les habitans des environs de Gothembourg en Suède
s’emparoient chaque année de plus de sept cents millions
de ces osseux. Et que sont tous ces millions d’individus
à côté de tous les harengs qu’amènent dans leurs bâ-
timens les pêcheurs du Holstein, de Mecklembourg, de
la Poméranie, de la France, de l’Irlande, de l’Écosse,
de l’Angleterre, des États-Unis , du Kamtschafka, et
principalement ceux de Hollande, qu i, au lieu de les
attendre sur leurs côtes, s’avancent au-devant d’eux et
vont à leur rencontre en pleine mer, montés sur dé
grandes et véritables flottes ?
Ces poissons ne forment pour tant de peuples une
branche immense de commerce, que depuis le temps
où l’on a emplojé, pour les préserver delà corruption,
les différentes préparations que l’on a successivement
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inventées et perfectionnées. Avant la fin du quatorzième
siècle, époque à laquelle Guillaume Deukelzoon,
ce pêcheur célèbre de Biervliet dans la ci-devant
Flandre, dont nous avons déjà parlé, trouva l’art de
saler les harengs, ces animaux dévoient être et étoient
en effet moins recherchés : mais dès le commencement
du quinzième siècle', les Hollandois èmplojèrent à la
pêche de ces dupées de grands filets et des bâtimens
considérables et alongés, auxquels ils; donnent le nom
de buys ; et depuis ce même siècle il J a eu des années
où ils ont mis en mer trois mille vaisseaux et occupé
quatre cent cinquante mille hommes pour la pêche de
ces osseux.
Les filets dont ces mêmes Hollandois se servent pour
prendre les harengs, ont de mille à douze cents mètres
de longueur : ils sont composés de cinquante ou soixante
nappes, ou parties distinctes. On les fait avec une grosse
soie que l’on fait venir de Perse, et’qui dure deux ou
trois fois plus que le chanvre. On les noircit à la fumée,
pour que leur couleur n’effraie pas les harengs. La partie
supérieure de ces instrumens est soutenue par des
tonnes vides, ou par des morceaux de liège ; et leur
partie inférieure est maintenue, par des pierres ou par
d autres corps pesans, à la profondeur convenable.
On jette ces filets dans les endroits où une grande
abondance de harengs est indiquée par la présence des
oiseaux d’eau, des squales, et des autres ennemis de
ces poissons, ainsi que par une quantité plus ou moins